29. April 2015 · Kommentare deaktiviert für Bulgarien: EU-Mauer mit deutscher Hilfe · Kategorien: Bulgarien · Tags: ,

Bulgarie : un nouveau « rideau de fer » contre les migrants

Le Courrier des Balkans

La Bulgarie est l’un des points de passage les plus dangereux pour les migrants en route vers la « forteresse européenne ». Sous forte pression de l’UE, et notamment de Berlin, la Bulgarie construit un mur de 130 kilomètres à la frontière turque pour endiguer le flux migratoire à ses portes. L’histoire hoquète : au rideau de fer de la Guerre froide se succède le mur bulgare, avec une différence de taille. Désormais, « l’ennemi » est à l’extérieur, et doit être « refoulé ».

Comme toutes les frontières extérieures de l’Europe, celle de la Bulgarie est, pour beaucoup, une ligne qui rime avec survie. Des milliers de personnes en quête d’un avenir meilleur tentent de la franchir tous les ans. Pour un grand nombre d’entre elles, le voyage s’arrête là. En Bulgarie, on entend rarement parler des milliers de personnes qui trouvent la mort en essayent d’atteindre les côtes grecques ou italiennes. On y serait donc choqué d’apprendre que la frontière bulgare est l’une des frontières qui enregistre un des plus fort taux de mortalité dû aux passages de migrants. En Bulgarie, les migrants ne trouvent pas la mort qu’en essayant de pénétrer dans le pays, mais aussi lorsqu’ils essayent de s’en échapper…

Les cas se suivent et s’enchaînent : le 4 juillet dernier, la police bulgare a tué un Afghan qui essayait de s’enfuir vers la Serbie. Le 19 novembre, quatre migrants qui essayaient de passer cette même frontière ont été retrouvés morts de froid. Neuf jours plus tard, le 28 novembre, le corps d’un autre migrant a été retrouvé non loin de la frontière avec la Turquie. Le 12 mars dernier, les médias locaux ont annoncé que Mohammed Jawad Kadhim Murad et Dalil Ilyas avaient trouvé la mort à la suite de blessures subies dans une bataille féroce avec la police aux frontières bulgare.

Encore cette semaine, deux Irakiens, faisant partie d’un groupe de douze yazidis pris à partie par des garde-frontières, sont morts, apparemment battus par des officiels bulgares selon le Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations unies (UNHCR).

Raisons « objEctives » et « vraies » raisons

Les arrestations musclées de migrants à la frontière turco-bulgare ne sont pas une nouveauté. Il s’agit de pratiques courantes, appliquées à tous, indépendamment de l’âge ou du sexe. Les expulsions brutales de réfugiés en provenance des frontières européennes extérieures ne sont pas des cas isolés, œuvres de gardes-frontières récalcitrants. Au contraire, il s’agit bien là de pratiques encouragées par la politique étrangère de la forteresse européenne.

Au début des années 2000, l’Europe commence à appliquer une nouvelle politique en matière de droit d’asile. Le premier objectif devient alors d’établir des règles qui permettent de quantifier et de qualifier les raisons qui poussent les migrants à fuir leur pays et d’en déduire les conditions « objectives » de l’acceptation de leur asile. L’« objectivité » est en cela définie par la réponse à la question de savoir s’il s’agit d’une migration politique ou économique. Les raisons « objectives » qui poussent à accepter l’asile des migrants sont le danger politique, tandis que les migrations économiques ne sont pas considérées comme «objectives» et ne sont pas suffisantes pour faire valoir les droits d’asile.

Au delà du critère « d’objectivité », l’Europe est aussi obnubilée par la question de la « vérité ». Les migrants sont ainsi souvent suspectés de ne pas répondre au critère de « vérité ». C’est ainsi que l’imaginaire des Européens est nourri d’images terrifiantes d’invasions de « faux demandeurs d’asile » pour les migrants politiques et de « faux travailleurs » pour les migrants économiques.

Le mur bulgare

Afin de faire face à l’afflux de migrants, la Bulgarie a décidé d’ériger un mur de 30 kilomètres à sa frontière avec la Turquie. Lorsqu’elles ont constaté l’efficacité de ce système (une chute des passages de 44% en 2014 par rapport à 2013) les autorités bulgares ont décidé de prolonger le mur initial de 100 kilomètres supplémentaires. Il est donc prévu qu’un mur de béton et de barbelés arrête les migrants sur près de la moitié de la frontière qui sépare les deux pays, longue de 259 kilomètres.

Dans son discours à Sofia le 10 mars dernier, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a annoncé une coopération étroite entre l’Allemagne et la Bulgarie sur la question des migrations clandestines. Il a annoncé que son pays allait augmenter la portée des investissements concernant la lutte contre ce problème. Le message de l’Allemagne ne pouvait pas être plus clair. Steinmeier a parlé du rôle important de la Bulgarie dans la protection des frontières extérieures de l’UE et de son rôle de zone-tampon qui empêche l’arrivée en Allemagne des migrants via la Bulgarie. En d’autres termes, la Bulgarie est victime d’une pression politique qui la force à contrôler tant ses frontières intérieures et que les frontières extérieures de l’UE. La Bulgarie sert ainsi très bien les intérêts de l’Allemagne.

Le rideau de fer

Une autre preuve du soin apporté par l’Allemagne aux frontières bulgares est l’exposition récemment inaugurée à la Bibliothèque nationale de Sofia et organisée par la Fondation Konrad Adenauer, elle-même affilié à l’Union chrétienne-démocrate allemande (CDU). L’exposition intitulée « Le rideau de fer » est une des nombreuses manifestations qui célèbrent cette année les « 25 ans de liberté en Bulgarie ». L’exposition traite du passé communiste à travers la question de l’ouverture et de la fermeture des frontières et de l’absence de liberté de circulation des personnes. À cette fin, l’exposition présente des photographies de barbelés, de corps de personnes mortes en essayant de traverser la frontière entre 1945 et 1990 et on y présente tous les mécanismes utilisés pour empêcher le passage de la frontière.

Le texte de l’exposition met en lumière la fonction différente de la frontière bulgare dans le passé et celle qu’elle revêt aujourd’hui. Aujourd’hui, les frontières bulgares sont les « frontières intérieures et extérieures stables d’une Europe unie ». Le texte ajoute que «le contexte répressif des frontières bulgares à l’époque du rideau de fer n’est pas assez clairement expliqué à la société bulgare. Les répressions et le viol des droits fondamentaux sous le régime totalitaire ne sont pas assez mis en lumière.» Pour cette raison, les auteurs de l’exposition ont jugé nécessaire de « révéler la vérité sur le rideau de fer et sur son rôle dans l’isolement de la société bulgare des valeurs d’un monde libre et démocratique. Cette révélation de la vérité est une étape vers la compréhension de notre propre passé. »

Cette interprétation est partagée par le président bulgare Rosen Plevneliev, dont le représentant a lu un communiqué au vernissage. Dans son discours, le président souligne les deux rôles des frontières bulgares au temps du rideau de fer : tout d’abord, les frontières servaient à isoler la Bulgarie du « monde libre », et d’autre part, elles étaient un obstacle à ceux qui essayaient de s’enfuir dans ce même monde. Selon le président, cette frontière est la preuve même « de la nature inhumaine du régime totalitaire. » L’ambassadeur allemand n’a pas manqué de confirmer « le visage inhumain du régime totalitaire » et de soutenir l’organisation d’un tel événement.

Ennemi interne et externe

Les représentants de la fondation et les patriotes libéraux bulgares ont analysé la nature intolérante des frontières de l’époque communiste, d’une frontière qui ne servait pas tant à protéger de l’ennemi, mais qui était dirigée contre son propre peuple : « ceux qui sont mort en essayant de s’échapper dans le monde libre ne sont pas des traîtres ; ils ont contribué à la libération de leur partie. Ils ont fui pour participer aux mouvement de libération des peuples rendus esclaves ».

La violence à la frontière, selon eux, était orientée vers ceux qui étaient restés prisonniers du régime, derrière le rideau de fer. Cela implique donc que les frontières actuelles, les frontières « libérales », sont elles, orientés contre l’ennemi. Si nous mettons de côté la critique naïve « de la limitation des déplacements » à l’ère socialiste, nous pouvons trouver un intérêt à cette exposition en cela qu’elle explique en détail les techniques utilisées par les garde-frontières pour garder «l’ennemi» à distance. Les similitudes entre les méthodes employées par le régime socialiste et celles employés aujourd’hui par les démocraties libérales sont flagrantes. C’est comme si les frontières du rideau de fer avaient servi de prototype pour garder ce qu’on appelle aujourd’hui la forteresse européenne.

Le pic de la « crise migratoire » a eu lieu l’année dernière, entre novembre 2013 et juin 2014. C’est aussi la période pendant laquelle a duré la préoccupation des organisations non-gouvernementales internationales et des partis allemands pendant l’année électorale, autour des questions des expulsions, de l’insécurité, du manque de soins médicaux et des attaques racistes dirigées contre les migrants en Bulgarie.

Depuis, plus un mot sur le sujet alors que rien n’a changé et que le nombre de personnes essayant d’échapper à la misère sociale ne fait qu’augmenter. Tout le monde sait que les demandeurs d’asile quittent la Bulgarie en espérant atteindre l’Allemagne. L’année dernière, l’Allemagne était sur le point de déporter 4 405 personnes en Bulgarie conformément à la Convention de Dublin. La cacophonie règne entre les médias qui étouffent la question et les militants internationaux qui essaient de sensibiliser sur la question. Entre temps, aucun signe de changement dans la politique migratoire européenne ne se fait sentir.

Par Raja Apostolova, Bilten

Traduit par Jovana Papović, pour Le Courrier des Balkans

Kommentare geschlossen.