28. November 2017 · Kommentare deaktiviert für „Comment l’Europe sous-traite sa politique migratoire“ · Kategorien: Afrika, Europa, Libyen

Nach den CNN-Aufnahmen zu Sklaverei in Libyen und den folgenden Protesten in Afrika und Europa geraten die Abschottungsbündnisse der EU mit Diktaturen stärker in die Kritik. Die Tageszeitung Le Monde bezieht sich in folgendem Artikel ausführlich auf die Kritiken der Rettungs-NGOs im zentralen Mittelmeer und auf fluchtsolidarische Recherchen.

Le Monde | 28.11.2017

En deux ans, l’Union européenne a considérablement renforcé son soutien aux forces de sécurité africaines pour bloquer les migrants avant qu’ils ne traversent la Méditerranée.

Par Jean-Baptiste Chastand

Depuis les bureaux de la Commission européenne, à Bruxelles, on surveille de très près la moindre polémique sur le sort des migrants africains en Libye. La mort de cinq d’entre eux lors d’un sauvetage chaotique, le 6 novembre, organisé en présence de garde-côtes libyens, dénoncés pour leur comportement violents, puis les révélations de CNN, le 14 novembre, sur l’existence de marchés d’esclaves africains en Libye ont mis la Commission sous tension. Depuis plusieurs mois, l’UE collabore en effet directement avec plusieurs autorités libyennes pour réduire les arrivées de migrants par la Méditerranée.

Depuis 2015, la « ministre des affaires étrangères de l’UE », Federica Mogherini, est accusée par les ONG de mener une « politique d’externalisation des frontières » qui consiste en gros à déléguer la gestion des flux migratoires aux pays voisins de l’UE. La Turquie d’un côté, avec l’accord de 2016 qui a fait diminuer drastiquement les arrivées en Grèce. Et l’Afrique de l’autre, avec la Libye au premier plan. Le terme d’« externalisation « est fermement contesté par Catherine Ray, la porte-parole de Mme Mogherini. « L’objectif premier est de lutter contre les trafiquants et de sauver des vies », martèle-t-elle, en brandissant les chiffres qui montrent en effet que le nombre de morts et de disparus en Méditerranée a chuté.

Cet argument ne convainc ni les ONG, qui demandent l’arrêt immédiat de cette coopération, ni le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, qui l’a qualifiée d’« inhumaine ». Tous dénoncent les conditions de vie des milliers de migrants désormais bloqués en Libye, retenus dans des camps de détention loin de répondre aux normes internationales. Federica Mogherini a demandé leur fermeture « dans leur forme actuelle » en septembre, sans effet pour le moment.

« On ne finance pas les garde-côtes directement »

La Commission plaide, par ailleurs, pour la réinstallation en Europe de 50 000 migrants parmi les plus vulnérables et tente d’améliorer le quotidien des autres en finançant les interventions dans les centres de détention libyens du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). « On n’aide pas le système, mais les gens qui sont dedans », théorise un diplomate, qui dit qu’un « centre aux normes internationales n’est malheureusement pas faisable actuellement en Libye ».

En plus de soutenir les organisations humanitaires internationales, l’UE finance les institutions sécuritaires libyennes, notamment les garde-côtes, notoirement incompétents et dangereux. Personne à Bruxelles – y compris les services de Mme Mogherini – n’est capable de faire un décompte exhaustif des moyens européens déployés en faveur des forces de l’ordre libyennes, des dizaines de millions d’euros ont été dépensés ces derniers mois. 140 garde-côtes ont déjà été formés par la force navale européenne Eunavfor Med. En juillet 2017, la Commission a annoncé que 46 millions d’euros allaient être débloqués pour de la « formation » et de « l’équipement » des garde-côtes et garde-frontières libyens, ainsi que pour établir des « structures de contrôle » à Tripoli. Sans compter les fonds versés directement par les Etats membres, à commencer par l’Italie.

« On ne finance pas les garde-côtes directement, promet toutefois l’entourage de Mme Mogherini, en assumant ce programme sur le fond. Mais soit on ne s’en occupe pas, et on laisse faire ; soit on utilise chaque levier dont on dispose pour essayer d’améliorer la situation ».

L’argent européen vient notamment du Fonds fiduciaire pour l’Afrique, le bras financier de l’UE dans sa politique migratoire sur le continent. Lancé en grande pompe lors du sommet UE-Afrique de La Valette (Malte), en novembre 2015, il a pour objectif de « répondre aux enjeux de la migration illégale » en s’attaquant « aux causes de la migration irrégulière ». 3,2 milliards d’euros ont été débloqués, issus pour la plupart des fonds européens d’aide au développement.

Selon les décomptes officiels, 478 millions d’euros ont été orientés depuis 2015 vers « l’amélioration de la gestion des migrations », ce qui comprend par exemple la formation de policiers et de magistrats, la constitution d’état-civils biométriques, ou l’équipement de garde-frontières. « La Valette a marqué l’institutionnalisation du processus d’externalisation des frontières européenne, en détournant des fonds de développement pour contrôler l’immigration », dénonce Sara Prestianni, spécialiste du sujet à l’association italienne de soutien aux migrants Arci. « Il n’y a pas de développement sans sécurité », rétorque Catherine Ray.

Le cas du Soudan

Mme Prestianni s’inquiète notamment du cas du Soudan, où le Fonds fiduciaire a signé pour 100 millions d’euros de financements. Le pays est un carrefour migratoire, mais son président, Omar Al-Bachir, est poursuivi par la Cour pénale internationale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour. Les gardes-frontières et certaines forces de l’ordre en charge du contrôle des migrants, comme les Rapid Support Forces (RSF), sont dirigés par d’anciens chefs de milices Janjawid, responsables d’exactions au Darfour.

L’UE assure s’interdire tout financement direct du gouvernement soudanais. Les fonds ne servent officiellement qu’à soutenir des programmes menés par des agences de coopération européennes. « Mais même si on ne le finance pas directement, on ouvre un dialogue avec un gouvernement caractérisé par des violations constantes des droits de l’homme », déplore Sara Prestianni.

Au niveau français, l’agence Expertise France forme, sur financement européen, de hauts fonctionnaires des pays de la région « à l’investigation sur les trafics ou la coordination sur la traite d’êtres humains », selon sa responsable, Lisa Morillon. Elle convient qu’il est difficile d’éviter totalement de collaborer avec les autorités soudanaises : « On travaille beaucoup avec le ministère de l’intérieur et les services de police, même si on s’assure de ne pas inclure certains groupes d’ex-janjawid ». En 2018, l’UE doit ouvrir, pour 5 millions d’euros, un « centre régional opérationnel » à Khartoum, chargé de développer la coopération entre Etats sur la lutte contre les passeurs et former des gardes-frontières. Un sujet particulièrement sensible.

La société française de sécurité qui a remporté le marché, Civipol, a d’ailleurs refusé de répondre à nos questions.

Le Niger, point de passage crucial vers la Libye

L’UE est nettement plus à l’aise au Niger, pays qui concentre ses efforts avec 140 millions d’euros via le fonds fiduciaire – dont au moins 36 millions pour renforcer les services de sécurité – auxquels s’ajoutent 596 millions d’aides bilatérales directes. Une force de coopération policière, baptisée Eucap, est même présente en permanence sur place et a réorienté son action depuis 2015 vers la lutte contre les réseaux de passeurs.Point de passage crucial vers la Libye, ce pays en grande difficulté budgétaire a commencé à mettre en œuvre sévèrement à partir de 2016, sous pression européenne, une loi anti-migration illégale, votée en 2015 mais d’abord mollement appliquée. « Il n’y a pas de conditionnalité mais les Nigériens sont conscients que l’aide est liée aux enjeux migratoires et sécuritaires », ne cache pas Raul Mateus Paula, ambassadeur de l’UE dans le pays. Le nombre de migrants passant par Agadez a depuis baissé, entraînant une perte d’activité pour les habitants de la région.

Pour compenser, l’UE finance des programmes dans la région, menés notamment par l’Agence française de développement (AFD). « Mais la plus grande partie de l’argent a été investie dans la répression au lieu du développement », déplore Tcherno Hamadou Boulama, directeur technique de l’association de défense des droits de l’homme et d’aide aux migrations Alternative Espaces citoyens. « Il y a eu un grand espoir dans la région d’Agadez, mais pas grand-chose sur le terrain, et beaucoup de frustration », assure-t-il.

Tcherno Hamadou Boulama affirme que cette politique européenne se traduit surtout par des prises de risque inconsidérées des passeurs et des migrants, qui mourraient de plus en plus nombreux dans le désert pour éviter les contrôles. Mais dans les capitales européennes, c’est surtout le nombre d’arrivées sur les côtes italiennes que l’on regarde. Et il a plongé de 27 300 à 5 700 entre octobre 2016 et octobre 2017. De ce point de vue, c’est un succès éclatant.

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