19. Januar 2017 · Kommentare deaktiviert für Mali: „Jugend und Dschihad“ – mediapart · Kategorien: Mali · Tags: ,

Quelle: Mediapart | 17.01.2017

Le Mali, les jeunes et le djihad

Le problème du djihadisme – et du terrorisme – dans le nord du Mali ne peut pas se résoudre par une victoire militaire, si tant est qu’elle soit possible. C’est aussi une question sociale et politique et concerne à la fois l’éducation, le développement, le travail, la sécurité… Un ensemble de facteurs complexes que les dirigeants maliens ne semblent pas vouloir prendre en compte entièrement.

PAR VALÉRIE THORIN

Au Burkina Faso, le 56ème anniversaire de l’indépendance, en novembre dernier, a mis en valeur l’armée et son nouveau dispositif sécuritaire et, dans son discours, le président Roch Marc Christian Kaboré a appelé sa population à s’unir pour lutter contre les djihadistes. Un mois plus tard, dans une interview à un grand quotidien français, Mohamed ould Abdel Aziz, chef de l’État mauritanien insistait sur le fait que dans son pays, l’islam était très éloigné des pratiques salafistes et que l’armée combattait sans état d’âme les djihadistes.

Et au Mali ? Si ces deux pays frontaliers se sentent concernés par le terrorisme sahélien, c’est en partie à cause de leur grand voisin. En effet, il ne se passe hélas pas une journée sans qu’il y ait une attaque des djihadistes contre l’armée malienne, contre la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) ou contre Barkhane, l’opération militaire française. Face à cela, le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita semble déboussolé, voire incapable de répliquer. De toute évidence, l’accord d’Alger signé le 20 juin 2015 reste lettre morte. D’ailleurs, hormis trois nominations de personnalités touareg dans des gouvernorats du nord – fort mal accueillies par les populations non-touareg et même par certains Touareg eux-mêmes – il ne s’est rien passé, ni sur le plan politique, ni en faveur de l’économie ou du développement. La réflexion sur le phénomène djihadiste semble même ne plus être au cœur des préoccupations de l’administration d’IBK…

Pour certains cadres du renseignement militaire malien, c’est pourtant par l’étude précise de ces groupes armés que des solutions efficaces peuvent être trouvées. Remontons l’histoire. L’arrivée de djihadistes en territoire malien a commencé au début des années 2000, quand des éléments du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), à la recherche d’un havre de paix, se sont installés dans le nord du pays. En 2007, ils ont prêté allégeance à Al-Qaeda, formant dès lors Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi). En même temps que cette formation multipliait ses petites bases arrière, des katibas (unités de combat sahéliennes) étaient mises sur pied.

En 2012, la rébellion sécessionniste du Mouvement national de libération de l’Asawad (MNLA) éclate et, le 22 mars 2012, un coup d’État renverse le président Amadou Toumani Touré. Les rebelles prennent le contrôle des trois grandes villes du nord : Tombouctou, Gao et Kidal et d’un morceau du centre du pays. C’est précisément durant cette période que de très nombreux jeunes rejoignent les rangs d’Aqmi et de deux autres grandes formations : le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Ansar Dine.

En janvier 2013, à la demande de Bamako, l’opération française Serval est déclenchée, avec pour résultat le retrait des djihadistes des villes. Mais la menace terroriste persiste. Depuis 2015, au moins deux autres mouvements importants sont apparus : la katiba Macina dit aussi groupe de Kouffa, présente entre Ségou et Mopti et la Katiba Khalid ibn Walid, active à Sikasso. Malgré les forces internationales et les Casques bleus, les violences sont quotidiennes.

La solution du « tout militaire » est un échec. Pour les militaires français, il faut avant tout comprendre pourquoi les jeunes s’engagent dans les groupes djihadistes. La réponse des autorités locales est un véritable inventaire : communautarisme, coercition, culture, ethnie, économie, éducation, environnement climatique, éthique, famille, histoire nationale, influence, protection, religion, politique et toutes les raisons individuelles et conjoncturelles possible… Difficile de s’y retrouver et d’en tirer une ligne politique. « Il faut avoir une analyse globale, mais prendre en compte l’extraordinaire complexité, y compris sociologique, des katibas », estime un haut fonctionnaire malien. En effet, si tous les engagés ont un travail au sein de leur groupe, tous ne sont pas soldats ; il y a des porteurs d’eau et des cuisiniers, des chauffeurs, des secrétaires, des messagers, des mécaniciens auto ou moto, certains sont espions ou éclaireurs, d’autres dirigent la prière, apprennent ou enseignent le Coran. Il y a ceux qui sont en charge de trouver de l’essence pour les véhicules, d’organiser des patrouilles etc.

Et la religion ?

Vu de l’Occident, le phénomène religieux semble être un facteur-clé dans l’engagement djihadiste. Néanmoins, le plus souvent l’engagement ne repose pas sur la foi. Il n’est même pas le résultat d’un endoctrinement.

Dans une enquête menée par l’Institute for Security Studies (ISS) en août 2016 auprès de jeunes ayant quitté leur katiba, on remarque que la religion occupe une position marginale dans la liste des motivations. Surtout si les intéressés n’ont pas ou peu reçu d’éducation de base. Le rigorisme salafiste et l’étude du Coran ne leur plait pas. « Il est donc inutile de promouvoir un « islam modéré à la malienne », l’audience sera nulle ou presque », estime un aumônier militaire français musulman.

Jeunes + chômage = radicalisation ?

Selon l’étude de l’ISS, le chômage et ses corollaires qui sont la pauvreté, les difficultés à se procurer les denrées alimentaires de base et l’absence de perspectives, ne sont pas non plus les seuls déclencheurs de l’enrôlement des jeunes. Certains finissent dans les groupes djihadistes même s’ils ont un travail rémunéré car ils considèrent de leur devoir de protéger cet emploi, qu’il soit légal (comme la garde des troupeaux) ou illégal (trafic de drogue). Dans le même temps, ils remplacent l’État absent en protégeant leur communauté ou leur famille et ses propriétés. C’est notamment le cas des bergers du nord de Mopti, qui ont voulu se défendre eux-mêmes contre les voleurs de bétail.

Cette nécessité est née après le coup d’État de 2012 et le retrait des forces de sécurité du nord. Cela dit, ce n’est pas le redéploiement de la gendarmerie qui résoudra le problème car, si l’on en croit les jeunes interviewés par l’ISS, les abus et la corruption avaient déjà sérieusement endommagé la légitimité des corps habillés. « On doit donc inclure dans la « solution malienne » la formation des gendarmes et des soldats au respect du droit et à l’éthique, estime un cadre de l’armée malienne. Les opérations militaires contre les forces djihadistes ne peuvent être efficaces que si, dans le même temps, il n’y a pas d’exactions commises contre la population. Sans même parler de droits de l’homme, il faut a minima respecter les droits des citoyens ».

Le retour de l’État

Le retour de l’État n’est donc pas suffisant pour résoudre le problème djihadiste. Une administration corrompue est pire qu’une administration absente. L’une des priorités de l’accord d’Alger était de repenser le rôle de l’État et ses pratiques afin de restaurer son autorité sur des bases solides. Il estimait indispensable d’opérer des changements non seulement dans la gouvernance, mais aussi dans les relations de l’État avec ses citoyens.

La solution pérenne passe par une compréhension détaillée les réalités locales des zones nord-maliennes, où souvent c’est la katiba qui assure depuis des années les services de base en matière de santé ou d’éducation. Une situation souvent ignorées des fonctionnaires en poste à Bamako et des négociateurs. Quant à l’Union africaine, elle est pragmatique. L’un des responsables en charge du dossier malien estime que le fameux adage « une solution africaine aux problèmes africains » ne signifie pas qu’il n’existe qu’une seule recette applicable à toutes les zones soumises au terrorisme, bien au contraire. « En clair, il ne faut pas répéter, à l’échelon africain, ce dont nous ne voulons plus en provenance de la France : une solution toute faite à plaquer sur un problème », estime un ancien haut responsable de cette organisation. Des voix raisonnables, mais qui peinent à se faire entendre jusqu’à Bamako, où l’on pense peut-être davantage à une future élection qu’aux problèmes des gens du nord…

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