31. Oktober 2013 · Kommentare deaktiviert für Syrische Flüchtlinge in Jordanien – Textsammlung (frz./engl.) · Kategorien: Syrien · Tags:

„le Point“ (France), 31 octobre 2013

JORDANIE : LE CAUCHEMAR SYRIEN

Plus de 600 000 Syriens auraient fui la guerre pour gagner la Jordanie voisine. Un flot de réfugiés que la petite monarchie peine à absorber

par Quentin Raverdy

Après les centaines de milliers de Palestiniens accueillis à la suite de l’indépendance d’Israël en 1948 et les 450 000 Irakiens fuyant en 2003 la guerre dans leur pays, c’est aujourd’hui plus de 600 000 Syriens qui ont gagné la Jordanie pour échapper au conflit qui fait rage depuis 2011. Ces nouveaux arrivants viennent gonfler les rangs des Syriens, installés de longue date (environ 70 000) dans le pays, et fragiliser l’économie de la monarchie hachémite.

Une menace agitée récemment par le gouverneur de la Banque centrale de Jordanie, Ziad Fariz. Ce dernier rappelle que „l’impact des réfugiés syriens sur l’économie est énorme, aujourd’hui, mais aussi à plus long terme, tant sur les ressources, les dépenses que l’environnement“. Et de préciser les chiffres : „Les réfugiés syriens devraient affecter la croissance d’au moins 2 %. Pour 2013, nous avions tablé sur 5 % de croissance et nous sommes aujourd’hui à plus ou moins 3 %.“

D’autant que la Jordanie (6,5 millions d’habitants), plus petite économie de la région après celle de Bahreïn, souffre déjà d’une économie faiblissante. Le pays sort à peine d’une crise financière lourde et accuse aujourd’hui encore une hausse de sa facture d’importations énergétiques et un coût croissant de ses prestations sociales.

La menace d’une catastrophe humanitaire

Jour après jour pourtant, plusieurs centaines de Syriens continuent de franchir la frontière pour échapper aux combats. La grande majorité des migrants s’est dispersée dans les villes et villages jordaniens, notamment dans le nord du pays. Le reste (environ 30 %) se cantonne dans des camps aux conditions de vie plus que précaires. Zaatari en accueille l’essentiel, soit plus de 130 000 personnes sous perfusion constante des ONG internationales et des autorités locales.

Du conflit, beaucoup ressortent meurtris, blessés ou traumatisés. Il incombe à la Jordanie, pays ami, de s’en charger. Mais bien vite, la situation dépasse l’État jordanien. „Les hôpitaux publics n’ont tout simplement pas les capacités d’accueil suffisantes. Quant aux privés, ils n’ouvrent pas souvent leurs portes aux plus démunis, Jordaniens comme Syriens“, témoigne Marc Schakal, chef de la mission de Médecins sans frontières en Jordanie. En 2006, MSF ouvrait dans la capitale jordanienne, Amman, un centre spécialisé dans la chirurgie reconstructrice. „Il accueillait essentiellement les grands blessés du conflit en Irak. Depuis 2011 et le début du conflit, on reçoit énormément de Syriens. Ils représentent aujourd’hui 20 % de nos patients admis.“

Pour ne rien arranger, un risque de pénurie d’eau se fait ressentir dans un pays déjà classé parmi les plus pauvres en matière de ressources hydrauliques. Dans les régions comptant de nombreux réfugiés, l’approvisionnement en eau s’est drastiquement réduit et bon nombre de villages doivent se contenter de deux ou trois ravitaillements mensuels, facturés au prix fort.

Une société jordanienne exaspérée

Les réfugiés syriens sont „pour la plupart des artisans et des ouvriers, pas vraiment qualifiés“, indique Jalal al-Husseini, chercheur associé à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) en poste à Amman. „Pour travailler en Jordanie, il vous faut trouver un kafil (sorte de tuteur) jordanien et vous acquitter d’un permis de travail, environ 400 euros. Peu ont les moyens de s’offrir ce statut.“ Résultat : „45 % des hommes syriens capables de travailler (environ 120 000 personnes) sont employés dans le secteur informel pour de très bas salaires.“ Une concurrence déloyale pour „les travailleurs manuels jordaniens“, explique Jalal al-Husseini.

Autre pierre d’achoppement : le logement. Avec cet afflux de population, appartements et maisons se font de plus en plus rares. Une offre réduite qui tire les prix vers le haut. „Jusqu’à 300 % d’augmentation dans le nord du pays“, témoigne le chercheur de l’Ifpo. „La population locale, assez pauvre au vu de la moyenne nationale, ne peut pas suivre.“

Apparaît alors une forme d'“exaspération de la société jordanienne vis-à-vis des réfugiés“, explique Jalal al-Husseini. „S’il y a pour l’heure peu d’actes de violence des Jordaniens contre les réfugiés (ou vice-versa), les autorités envisagent de plus en plus de compliquer l’installation de nouveaux réfugiés, voire de fermer la frontière.“ Des pratiques déjà relevées par Amnesty International, qui dénonce dans son rapport 2013 le refus d’asile opposé à certains Syriens et les procédures de plus en plus fréquentes de reconduite à la frontière.

La Jordanie étranglée financièrement

Devant l’ampleur de la tâche, les autorités jordaniennes se retrouvent bien démunies. Depuis le début du conflit syrien en 2011, le royaume a déjà versé près de 1,7 milliard de dollars pour venir en aide aux réfugiés (eau, nourriture, éducation, logement).

Un trou dans les finances jordaniennes qui a forcé la monarchie à récemment demander au FMI l’accord d’un prêt de 2 milliards de dollars. La Jordanie en appelle ainsi à ses partenaires internationaux pour que l’aide financière ne se tarisse pas, le pays n’ayant pas les reins assez solides à long terme. Un appel relayé notamment par António Guterres, haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, qui rappelle que „cet afflux de Syriens s’aggrave“. Un appel aussi (partiellement) entendu par l’UE, lundi dernier, avec l’annonce par la Commission européenne du déblocage d’une enveloppe de 85 millions d’euros pour les réfugiés. Une enveloppe prélevée sur les 400 millions d’euros, difficilement récoltés en juin par le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Mais qui, pour José Manuel Barroso, permettra de rappeler que la guerre en Syrie et le sort des réfugiés resteront „une tache sur la conscience du monde“.

http://www.lepoint.fr/monde/jordanie

Le 31/10/2013 09:20, David a écrit :

The UAE funded a Syrian refugees camp located 80 kilometers North of Amman and managed by the UAE Red Crescent Authority (UAERC). It’s known to be a 5 stars refugee camp for its top quality services including schools, full medical services, 24 hours hot showers, 3 hot meals a day, directly delivered to refugees‘ door and all day free tea and coffee. But how long is it gonna last, what is the point of spending some much money for „only“ 3 600 residents and one thing that IRIN doesn’t really mention in this article, how and who chooses the refugees eligible to be hosted in this camp ? The IOM who organises the transfers from the border areas, the Jordanian authorities, the UNHCR or the UAERC itself ? So if someone knows a bit more about it, please don’t hesitate to share your information !

http://www.irinnews.org/report/

(Texte en français après l’article en anglais)

Les Emirats Arabes Unis ont financé un camp de réfugiés situé à 80 km au nord d’Amman, géré par l’autorité du Croissant Rouge des Emirats Arabes Unis. Ce camp est connu pour être un camp 5 étoiles disposant de services de premier choix en matières d’éducation et de santé, de douches chaudes disponibles 24/24, de 3 repas chauds quotidien livrés à chaque réfugié. Mais combien de temps cela va-t-il durer, pourquoi dépenser autant de fonds pour „seulement“ 3600 personnes et une chose que l’article n’aborde pas, comment sont choisis les réfugiés qui auront le privilège d’être accueilli dans ce camp ? La décision revient elle à l’OIM -responsable du transfert des réfugiés entre la frontière et les différents camps du pays- aux autorités jordaniennes, au HCR ou bien au Croissant Rouge ? Si certains d’entre vous ont plus d’informations à ce sujet, merci de les partager !

http://www.irinnews.org/fr/report/99029/

Serving up five-star service for refugees the UAE way

IRIN News, 29 October 2013

MRAJEEB AL-FHOOD, 29 October 2013 (IRIN) – Under the glare of the midday sun, the neatly-arranged caravans gleam a bright white against the dusty desert terrain, their short symmetrical shadows disturbed only by an occasional piece of laundry hanging from a barred window.

There are none of the normal sounds you would associate with a refugee camp – construction, sizzling pans or hawkers’ cries – and apart from the rumble of the garbage truck and the periodic call to prayer, an almost muffled silence hangs overhead.

There is no smell of sewage either, no open drains; the sturdy power lines and satellite dishes dotted around give the air of an established town, not a refugee camp in the middle of the Jordanian desert that only opened six months ago.

People have dubbed Mrajeeb al-Fhood, run by the United Arab Emirates Red Crescent Authority (UAERC), a “five-star refugee camp” – a label the staff and volunteers, many of whom are from the UAE, are keen to play down.

But the high level of services provided by the camp do not come cheap and questions have been raised about both donor value-for-money and the facility’s long-term sustainability.

Tea and coffee 24/7

No expense has been spared at the isolated site, around 80km north of the capital Amman, more commonly known as the Emirati Jordanian Camp (EJC).

Unlike Jordan’s main Za’atari Camp, there is no over-crowding at EJC, currently home to around 3,600 residents. All the refugees have caravans instead of tents, and enjoy hot showers, electricity and street lighting.

The caravans are perfectly equidistant, each clearly labelled with a number and code. A central computer system keeps a record of exactly who lives where and what aid that family has received.

Every refugee receives three hot meals a day, carefully cooked on-site by a private Jordanian catering firm. The aluminum take-away boxes are delivered direct to people’s doors and those with dietary requirements for conditions like diabetes are given special meals.

There are tea and coffee buffet halls where refugees can help themselves 24/7, TV rooms for men and women, a children’s playground, a football pitch, a supermarket and a mosque.

As well as regular physicians and primary care nurses, the camp’s medical centre, laid out around a quad with a shaded benched waiting area, has a pediatrician, obstetrician, pharmacist, dentist, radiology department and observation room for anyone needing overnight attention.

And in September, a fully-equipped school opened with support from the UN Children’s Fund (UNICEF) and the UK Department for International Development (DFID) with enough space for the roughly 1,300 children in the camp, providing classes from elementary to high school level as well as sports and other extra-curricular activities.

Among the donations stacked in the supply warehouse are brand new clothes – suits, dresses and shoes for weddings and other occasions, as well as Adidas T-shirts.

This is a far cry from the stretched services in Za’atari where schools struggle to accommodate children, and a demand for basic items has in some instances created a powerful black market.

Value for money

Neither staff at the EJC nor those at UAERC headquarters in the UAE capital Abu Dhabi could tell IRIN how much the organization spent setting up EJC – estimated in some UAE media reports at US$10million – or what its running costs were.

Caravans are perfectly equidistant, labelled with a number and code; Photo: Louise Redvers/IRIN

But a UAERC spokesperson told IRIN that since the start of the crisis, the charity had spent $13.5million supporting Syrian refugees in Jordan (including projects outside the camp).

While some have lauded UAE for raising the standard of refugee care, others question the cost-efficiency of the resources spent.

Jordan has taken in nearly 600,000 registered Syrian refugees. This has put an enormous financial strain on government services and prompted a massive – yet under-funded – aid operation by the UN and international NGOs.

Last week the Jordanian government announced it has so far spent $1.7billion on its refugee response and that it was struggling to cope. Za’atari is home to an estimated 120,000 people, some 33 times the number at EJC.

“The EJC is very well-resourced and well-built compared to Za’atari and they have done a fantastic job, installing closed sewage and water system, providing three hot meals a day,” said Carsten Hansen, Jordan country director for the Norwegian Refugee Council (NRC), which supports some education programmes in EJC.

But he added: “There are things you can question, like when you see that money is not forthcoming elsewhere while so much is being spent on a small number of refugees at the EJC – much more per person compared to Za’atari.”

Excellence as prevention

UAERC says it has set up its camp based on its experience of aid operations in other parts of the world, including Yemen, Kosovo and Libya.

“So we know what the needs for the people are,” said Saif Ali Al Dhaheri, director-general of the camp.

„The agencies in charge of EJC have their own way of doing things, but I think we can learn from each other“

“Yes, we could shelter more people if we spent less, but we would not be able to give them the same level of services,” he told IRIN. “Say we had 10,000 or 20,000 people here and the infrastructure couldn’t cope and then they all became sick? We are spending like this because we want these people to be in safe hands.”

During a tour of the tightly-fenced camp, Saif Al Kaabi, a medical doctor who oversees the EJC health facilities, told IRIN the camp had had no outbreaks thanks to the “excellent infrastructure”.

“Actually, you spend more money on treating people, so how about primary prevention?”

Al Kaabi, who is taking time out from his emergency medicine positions at hospitals in the emirates of Al Ain and Abu Dhabi to volunteer in Jordan, added: “People say things about this camp without even coming here. My message would be: Come here and see it for yourself in 3D; then you will understand.”

The Jordanian government says UAE runs the camp and is free to administer it as it wishes.

“It’s their money,” said Feda Gharaibeh, director of the Humanitarian Relief Coordination Unit at Jordan’s Ministry of Planning and International Cooperation (MOPIC). “They have been very, very generous and we very much appreciate the support they have given us.”

Refugees IRIN spoke to, while accompanied by UAERC staff, said they liked the camp.

“Everything is fine here. Everything is provided: the clothing, the food, the medicine, everything,” said 40-year-old Maha, a mother of six who arrived from Homs three months ago. “My son has a job, and we are happy to be here.”

High school pupils study English with Jordanian principal Tagit al Khijaza | Photo: Louise Redvers/IRIN

 

Her husband, Abdul, 47, a mechanic, added: “We came here because… we heard people talking about it when we got to Jordan. Everyone was saying it was good with good food and shelter.

“I have a cousin there in Za’atari,” he went on. “He says it’s so crowded. Yes, it’s definitely better here. There is more space and better services.”

Rules

But for all the perks of life in the EJC, there are also rules.

Only families are allowed; no single men; and vulnerable families are encouraged to go to EJC rather than Za’atari, which is much larger and where crime and safety have been an issue.

No private cooking is allowed – no need, IRIN was told: all meals and snacks are already provided – and no free market for goods and services to be bought and sold.

“It’s a debate we had,” Al Kaabi explained. “In Za’atari they have a free market but who is getting rich? Only a very small number of people and mostly people are being exploited.”

In addition, only one person per family is allowed to work. They apply to a central committee, which will then match their skills to vacant positions. While many do cleaning and other manual work, teachers and medical staff have also been given jobs at the camp’s school and hospital unit.

Lab technician and father-of-five Mohammed, from the southern Syrian governorate of Dera’a, told IRIN he was happy to be working, even if he was only being paid 25 Jordanian dinars a week ($22), far less than his old salary at a government hospital in Syria.

It is clear, however, that EJC is not for everyone.

According to the International Organization for Migration (IOM), responsible for moving refugees from a border reception centre to the different refugee camps, 4,504 refugees had been taken to EJC as of 2 October. That means some 900 – close to one-fifth of the camp population – have since left, either back to Syria (as refugees across the region regularly do), to other camps or to live in Jordanian cities and towns.

The camp is also far from full. There are 770 caravans in the first phase of the camp, of which 71 stood empty in early October. There are an additional 2,200 new caravans already on site and ready to be used for a second phase, once the plumbing and electricity infrastructure is complete. In April when the camp opened it was reported it would have a final capacity of 25,000.

MOPIC’s Gharaibeh said those looking to earn money may prefer to live in Za’atari, but “for a widow or women-headed family with a lot of girls, for elderly people, or for those with disabilities, I think EJC is the best place to be, most convenient.”

Sustainability

But how long will it be around?

In Yemen, UAERC ran a similar camp for internally displaced people (IDPs), also dubbed “five-star” due to its hot meals, electricity and excellent health facilities.

But four years after Mazraq II’s grand opening, UAERC staff have long gone, the electricity has been switched off and much of the site’s infrastructure looted. IDPs have been left with caravans they cannot maintain and medical equipment they cannot use.

Al Dhaheri said “only God knew” how long EJC would remain open. A UAERC spokesperson said it will continue supporting EJC and the Syrian refugees “for as long as necessary.”

Western aid agencies have often been sceptical of the approach of Gulf donors.

But as the latter become increasingly important players in today’s emergencies, the two are working more closely together. EJC, where several UN agencies and international NGOs are collaborating on projects, is a clear example of that.

“The agencies in charge of EJC have their own way of doing things,” says Hansen, of NRC, “but I think we can learn from each other.”

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IRIN News, Service cinq étoiles à l’émirienne pour les réfugiés
MRAJEEB AL-FHOOD, 30 octobre 2013 (IRIN) – Les caravanes blanches, sagement alignées, brillent sous la lumière éblouissante du soleil de midi, au milieu de la poussière du désert. Seuls quelques vêtements étendus aux fenêtres viennent troubler leurs ombres, courtes et symétriques.

Le camp ne résonne d’aucun des bruits généralement associés à un camp de réfugiés — chantiers, grésillement de friture ou cris de marchands ambulants. Mis à part le grondement du camion-poubelle et l’appel à la prière, le camp est pour ainsi dire plongé dans un silence feutré.

L’air n’empeste pas non plus d’odeurs d’égouts. Il n’y a pas de canaux d’évacuation à ciel ouvert. Les fils électriques solides et les antennes paraboliques qui parsèment le camp lui donnent un air de ville bien établie. On en oublierait presque que l’on se trouve dans un camp de réfugiés en plein désert jordanien ouvert seulement depuis six mois.

Le camp de Mrajeeb al-Fhood, dirigé par l’Autorité du Croissant-Rouge des Émirats arabes unis, est qualifié de « camp de réfugiés cinq étoiles », une réputation que le personnel et les bénévoles, souvent originaires des Émirats, ont tendance à minimiser.

Mais les services de haute qualité offerts par le camp coûtent cher et cela soulève des questions quant à l’optimisation des ressources et la durabilité des installations sur le long terme.

Thé et café 24/7

Les Émirats n’ont pas regardé à la dépense dans ce camp connu sous le nom de Camp jordano-émirati (Emirati Jordanian Camp, EJC), isolé à environ 80 km au nord d’Amman, la capitale de la Jordanie.

Contrairement à Za’atari, le plus grand camp de réfugiés de Jordanie, l’EJC n’est pas surpeuplé. Il accueille actuellement environ 3 600 résidents. Tous les réfugiés sont logés dans des caravanes plutôt que des tentes et bénéficient de douches chaudes, de l’électricité et de l’éclairage public.

Les caravanes sont toutes exactement à la même distance les unes des autres et affichent un numéro et un code. Un système informatique centralisé enregistre le lieu de résidence de chaque habitant et l’aide reçue par chaque famille.

Chaque réfugié reçoit trois repas chauds par jour, cuisinés avec soin sur place par une entreprise de restauration jordanienne. Les boîtes en aluminium à emporter sont délivrées directement chez les résidents et ceux qui doivent suivre un régime spécial pour des maladies comme le diabète reçoivent un menu adapté.

Du thé et du café sont mis à disposition des réfugiés dans des salles ouvertes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le camp dispose également de salles de télévision pour les hommes et pour les femmes, d’un terrain de jeux pour les enfants, d’un terrain de football, d’un supermarché et d’une mosquée.

Le centre médical du camp, construit autour d’une cour ombragée faisant office de salle d’attente, compte non seulement plusieurs médecins et infirmiers, mais également un pédiatre, un obstétricien, un pharmacien, un dentiste, un service de radiologie et une salle d’observation pour tout patient ayant besoin d’une attention prolongée.

En septembre, une école entièrement équipée a ouvert ses portes avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Département britannique pour le développement international (DFID). Elle est suffisamment grande pour accueillir les quelque 1 300 enfants du camp et offre un enseignement primaire et secondaire ainsi que des activités sportives et autres loisirs extrascolaires.

Des dons sont stockés dans un entrepôt, dont des vêtements neufs — des costumes, des robes, et des chaussures de mariage ou pour d’autres occasions, ainsi que des T-shirts Adidas.

On est bien loin des services surchargés du camp de Za’atari, où les écoles peinent à accueillir tous les enfants et où la demande de produits essentiels a conduit à la création d’un puissant marché noir.

Rapport coût-efficacité

Ni le personnel de l’EJC, ni les employés du siège de l’Autorité émiratie du Croissant-Rouge à Abu Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis, n’ont pu dire à IRIN combien l’organisation avait dépensé pour la création de l’EJC — estimée à 10 millions de dollars par certains médias émiratis — ni quels en sont les coûts de fonctionnement.

Les caravanes sont toutes exactement à la même distance les unes des autres et affichent un numéro et un code | Photo: Louise Redvers/IRIN

 

Un porte-parole de l’Autorité émiratie du Croissant-Rouge a cependant dit à IRIN que, depuis le début de la crise, l’organisation caritative avait dépensé 13,5 millions de dollars dans le soutien aux réfugiés syriens en Jordanie (dont des projets en dehors du camp).

Si certains ont félicité les Émirats arabes unis pour avoir relevé le niveau des services aux réfugiés, d’autres remettent en question le rapport coût-efficacité des ressources mobilisées.

La Jordanie a enregistré près de 600 000 réfugiés syriens. Cela a exercé une énorme pression financière sur les services publics et déclenché une grande opération humanitaire, encore sous-financée, de la part des Nations Unies et des organisations non gouvernementales (ONG) internationales.

La semaine dernière, le gouvernement jordanien a annoncé qu’il avait dépensé 1,7 milliard de dollars dans l’aide aux réfugiés et qu’il avait du mal à faire face à leur afflux. Selon les estimations, le camp de Za’atari héberge environ 120 000 personnes, soit 33 fois plus que l’EJC.

« L’EJC dispose de beaucoup de ressources et est bien construit comparé à Za’atari et ils ont fait un excellent travail en installant des réseaux d’eau et d’égouts fermés et en fournissant trois repas chauds par jour », a dit Carsten Hansen, directeur du Conseil norvégien pour les réfugiés en Jordanie, qui finance des programmes éducatifs à l’EJC.

« Il y a des choses que l’on peut remettre en question, a-t-il cependant ajouté, comme le fait que l’argent n’arrive pas ailleurs alors qu’autant de fonds sont dépensés pour aussi peu de réfugiés à l’EJC — bien plus par personne qu’à Za’atari. »

L’excellence en prévention

L’Autorité émiratie du Croissant-Rouge dit avoir conçu ce camp d’après son expérience d’opérations humanitaires dans d’autres pays du monde, dont le Yémen, le Kosovo et la Libye.

« Nous connaissons donc les besoins des gens », a dit Saif Ali Al Dhaheri, directeur général du camp.

« Les organisations d’aide humanitaire responsables de l’EJC ont leur propre manière de faire, mais je pense que nous pouvons apprendre les uns des autres »

« Oui, nous pourrions héberger plus de monde si nous dépensions moins, mais nous ne pourrions pas leur apporter le même niveau de services », a-t-il dit à IRIN. « Imaginons que nous ayons 10 000 ou 20 000 personnes ici et que l’infrastructure ne puisse pas faire face et qu’ils tombent tous malades. Nous dépensons ainsi parce que nous voulons que les gens soient bien traités. »

Lors d’une visite de ce camp étroitement clôturé, Saif Al Kaabi, médecin chargé du contrôle des installations de santé de l’EJC, a dit à IRIN que le camp n’avait connu aucune épidémie grâce à son « excellente infrastructure ».

« Actuellement, on dépense davantage d’argent pour soigner les gens, qu’en est-il de la prévention primaire ? »

« Les gens disent des choses sur ce camp sans même y venir. Je voudrais leur dire de venir voir par eux-mêmes en trois dimensions. Après ils comprendront », a dit M. Al Kaabi, qui prend sur son temps de médecin urgentiste dans les hôpitaux d’Al Ain et Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, pour travailler comme bénévole en Jordanie.

Pour le gouvernement jordanien, les Émirats arabes unis dirigent le camp et sont libres de le gérer comme bon leur semble.

« C’est leur argent », a dit Feda Gharaibeh, directrice du département de coordination des secours humanitaires du ministère jordanien de la Planification et la Coopération internationale (MOPIC). « Ils ont été très très généreux et nous apprécions l’aide qu’ils nous ont apportée. »

Les réfugiés qui ont parlé à IRIN, accompagné par le personnel de l’Autorité émiratie du Croissant-Rouge, ont dit qu’ils aimaient le camp.

« Tout est bien ici. Tout est fourni : les vêtements, la nourriture, les médicaments, tout », a dit Maha, 40 ans et mère de six enfants qui est arrivée de Homs il y a trois mois. « Mon fils a un emploi et nous sommes heureux d’être ici. »

Les élèves du secondaire apprennent l’anglais avec la principale jordanienne, Tagit al Khijaza | Photo: Louise Redvers/IRIN

« Nous sommes venus ici parce que […] nous avons entendu des gens en parler quand nous sommes arrivés en Jordanie », a ajouté son mari, Abdul, 47 ans, mécanicien. « Tout le monde disait que c’était bien, avec de la bonne nourriture et des abris. »

« J’ai un cousin à Za’atari, a-t-il poursuivi. “Il dit que c’est surpeuplé. Oui, c’est définitivement mieux ici. Il y a plus d’espace et de meilleurs services. »

Règles

L’EJC offre de nombreux avantages, mais certaines règles doivent cependant être respectées.

Seules les familles sont acceptées. Pas les hommes célibataires. Les familles vulnérables sont d’ailleurs incitées à aller à l’EJC plutôt qu’à Za’atari, qui est beaucoup plus grand et où la criminalité et l’insécurité posent problème.

Il est interdit de cuisiner pour soi. Ce n’est pas nécessaire, a-t-on dit à IRIN, tous les repas et les en-cas sont fournis. Il n’existe d’ailleurs pas de marché libre pour acheter et vendre des biens et des services.

« Nous en avons débattu », a expliqué M. Al Kaabi. « À Za’atari, ils ont un marché libre, mais qui s’enrichit ? Seulement un petit nombre de personnes et la majorité se font exploiter. »

Une seule personne par famille est par ailleurs autorisée à travailler. Ces travailleurs postulent auprès d’un comité central qui leur attribue un poste vacant en fonction de leurs compétences. Nombreux sont ceux qui font du nettoyage ou d’autres travaux manuels, mais des enseignants et des professionnels de la santé ont également obtenu un emploi à l’école ou à l’hôpital du camp.

Mohammed, technicien de laboratoire et père de cinq enfants originaire du gouvernorat de Dera’a, dans le sud de la Syrie, a dit à IRIN qu’il était heureux de travailler, même s’il n’était payé que 25 dinars jordaniens (22 dollars) par semaine, un salaire bien inférieur à celui qu’il recevait lorsqu’il travaillait dans un hôpital public en Syrie.

Toutefois, l’EJC n’est manifestement pas fait pour tout le monde.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), chargée de transporter les réfugiés d’un centre d’accueil frontalier vers les différents camps, au 2 octobre, 4 504 réfugiés avaient été conduits à l’EJC. Ce qui signifie que 900 d’entre eux, soit près d’un cinquième de la population du camp, sont partis depuis, soit pour rentrer en Syrie (comme le font régulièrement des réfugiés de toute la région), soit pour s’installer dans un autre camp ou vivre dans une ville jordanienne.

Le camp est d’ailleurs loin d’avoir atteint le maximum de sa capacité. Le premier secteur du camp comporte 770 caravanes, dont 71 étaient encore vides début octobre. En outre, 2 200 nouvelles caravanes supplémentaires sont déjà sur place, prêtes à être installées dans le deuxième secteur du camp, une fois que l’installation des canalisations et de l’électricité sera achevée. Lors de l’ouverture du camp en avril, il avait été annoncé que la capacité totale du camp à terme serait de 25 000 habitants.

Selon Mme Gharaibeh, du MOPIC, ceux qui veulent gagner de l’argent préfèrent vivre à Za’atari, mais « pour une veuve ou une mère seule avec de nombreuses filles, pour les personnes âgées ou pour les handicapés, je pense que l’EJC est le meilleur endroit, le plus adapté. »

Durabilité

Mais combien de temps va-t-il durer ?

Au Yémen, l’Autorité émiratie du Croissant-Rouge a dirigé un camp similaire pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP), également qualifié de camp « cinq étoiles » pour ses repas chauds, son électricité et ses excellentes infrastructures de santé.

Cependant, quatre ans après l’ouverture en grande pompe de Mazraq II, le personnel de l’Autorité émiratie du Croissant-Rouge a quitté les lieux depuis longtemps, l’électricité a été coupée et la majorité des infrastructures ont été pillées. Les PDIP sont livrés à eux-mêmes, avec des caravanes qu’ils ne peuvent pas entretenir et des équipements de santé qu’ils ne peuvent pas utiliser.

« Dieu seul sait » combien de temps l’EJC va rester ouvert, a dit M. Al Dhaheri. Un porte-parole de l’Autorité émiratie du Croissant-Rouge a dit que l’organisation continuerait de soutenir l’EJC et les réfugiés syriens « aussi longtemps qu’il sera nécessaire ».

Les organisations d’aide humanitaire occidentales sont souvent sceptiques face aux méthodes des bailleurs de fonds des pays du Golfe.

Mais à mesure que ces derniers deviennent des acteurs de poids dans les situations d’urgences actuelles, les organisations occidentales doivent de plus en plus collaborer avec eux. L’EJC, où interviennent plusieurs agences des Nations Unies et ONG internationales, en est un bon exemple.

« Les organisations d’aide humanitaire responsables de l’EJC ont leur propre manière de faire », a dit M. Hansen, du Conseil norvégien pour les réfugiés, « mais je pense que nous pouvons apprendre les uns des autres ».

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