03. November 2015 · Kommentare deaktiviert für „EU ist schon tot, weiss es aber noch nicht“ · Kategorien: Europa

Quelle: Les Courrier des Balkans

Réfugiés : l’UE est déjà morte, mais elle ne le sait pas encore

La « crise migratoire » aura-t-elle eu raison de ce qui restait de l’UE ? Voilà quelle pourrait être son épitaphe : « Ci-gît l’UE, morte dans la boue, dans les champs de barbelés dressés à ses frontières. Elle s’est éteinte par manque d’humanisme, par son incapacité à réagir dignement à la crise des réfugiés ». Le cri de colère et de honte du journaliste croate Tomislav Jakić, qui a fait le tour de la presse des Balkans.

Par Tomislav Jakić

L’Europe est morte dans cette boue profonde piétinée par des enfants en pleurs, dans le no man’s land face aux barbelés dressés sur les frontières entre États-membres de l’UE, où s’alignent les véhicules blindés. Ci-gît l’Europe unie, dans ces sondages où les citoyens des nouveaux États-membres s’opposent à l’arrivée des réfugiés non-chrétiens, dans ces centres d’asile en Allemagne dévorés par les flammes. Le concept du multiculturalisme est mort, emportant celui de la tolérance.

S’il lui fallait une épitaphe, ce pourrait être : « Elle a trop voulu, trop entrepris, et elle est morte trop tôt, à cause de son manque d’humanisme ». Au début de la « crise des réfugiés », pourtant, il en allait autrement. Les premières semaines, avant que ne se mettent en branle les mécanismes générant la peur de l’autre, la plupart des citoyens considéraient les migrants comme des malheureux cherchant un salut, fuyant les guerres et leur cortège de misères, conséquences directes de la politique menée par l’Occident au Proche, au Moyen-Orient et en Afrique. En Croatie, les gens se sont souvenus de leur sort durant des guerres pas si lointaines. Ils étaient prêts à aider, et ils l’ont fait. En Autriche aussi, parfait exemple de prise en charge des réfugiés par les citoyens, spontanément venus apporter de la nourriture, de l’eau, des vêtements, et des jouets pour les enfants.
« L’Europe de la chrétienté »

Mais au fur et à mesure que la vague de réfugiés grossissait, la peur et l’intolérance se sont manifestés. En Croatie, un fonctionnaire a déclaré qu’il n’était « pas agréable de voir des inconnus passer sous vos fenêtres la nuit ». En Slovénie, un autre fonctionnaire estime que son pays « n’accueillera que des chrétiens, car il n’y a pas de mosquées et les musulmans ne se sentiraient pas bien ». En Hongrie, le Premier ministre Orban s’érige en « protecteur de l’Europe et de la chrétienté ». En Pologne, en République tchèque et dans autres pays post-socialistes, la majorité dit « non » à l’accueil des réfugiés. En Allemagne, le mouvement populiste et islamophobe Pegida rassemble dans les rues de Dresde plus de 15 000 manifestants pour dénoncer la politique d’ouverture aux réfugiés.

Les sentiments de compassion se sont refroidis. Sur les réseaux sociaux, on a pu voir en boucle cette journaliste hongroise à la frontière faisant un croche-pied à un homme portant dans ses bras un enfant. Elle a même osé dire qu’elle allait porter plainte contre ce malheureux. La chancelière allemande Angela Merkel, confrontée à une résistance de plus en plus forte dans ses propres rangs contre l’accueil des réfugiés, a finalement donné l’estocade, une semaine avant les élections en Turquie. Elle s’est rendue à Ankara et a laissé le Président Erdoğan la faire chanter : la Turquie retient les réfugiés, l’UE donne de l’argent, laisse les citoyens turcs voyager sans visa (anéantissant par là le régime Schengen), et rouvre les négociations d’adhésion européenne.

Dans le constat de décès de l’Europe, « après une longue et pénible maladie », on notera son incapacité d’agir à l’unisson. Le bon vieux nationalisme l’a emporté. Autrefois, l’Allemagne accueillait un million de gastarbeiters, travailleurs issus de l’ancienne Yougoslavie socialiste. Quant à la Croatie, elle sait très bien combien de réfugiés elle a accueilli dans les années 1990 — et l’entendre dire aujourd’hui que ses capacités se limitent à 5 000 personnes est pathétique.

L’Europe s’est retrouvée livrée à elle-même, et elle en est morte. Mais à cause de l’agitation de cette ruche à Bruxelles, elle l’ignore et se comporte toujours comme si elle était vivante. Malheureusement, il n’en est rien. Elle est morte dans la boue, et avec elle une communauté fondée sur la tolérance, la cohabitation, la richesse de la diversité. Cette Europe-là est morte, mais elle ne le sait pas encore.

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