Nassima Moussaoui
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La Banque Mondiale appelle à la réforme du système de subvention des produits alimentaires
Conçues pour aider les franges les plus démunies, les subventions des produits de base ont de graves effets pervers. La Banque Mondiale appelle à les réformer en profondeur.
La Banque Mondiale, qui considère le mode de subvention généralisé dans certains pays comme étant « régressif », appelle à sa réforme. « Il faut impérativement réformer ces programmes pour introduire des subventions intelligentes ciblant ceux qui en ont le plus besoin et venant en complément des filets de protection sociale existants », suggère M. Jaime Saavedra, vice-président par intérim du Groupe de la Banque mondiale en charge du réseau Lutte contre la pauvreté et gestion économique. « Mal conçus et opaques, les programmes de subventions aux denrées alimentaires ne soulagent absolument pas les pauvres. Outre leur coût parfois exorbitant, ils sont une porte ouverte à la corruption et au gâchis, alors que les contraintes budgétaires sont fortes », estime M. Jaime Saavedra.Le constat du rapport trimestriel Food Price Watch du Groupe de la Banque mondiale estime que ce système de subvention a généralement un effet « contreproductif ». A défaut « d’amortisseurs sociaux efficaces pour lutter contre une pauvreté généralisée », certains pays « réagissent désormais à cette volatilité chronique des prix en amplifiant les subventions à la consommation de produits alimentaires », note le rapport de la Banque Mondiale.L’Algérie, qui a adopté ce système de subvention depuis des années, va encore, durant cette année, dépenser 135 milliards de dinars (1,35 milliards d’euros) pour la subvention des produits alimentaires. La subvention, qui ciblait au départ la farine et le lait, s’est élargie depuis la révolte de 2011 à de nombreux produits alimentaires notamment l’huile, le sucre et les légumes secs.
L’Algérie subventionne les importateurs
Le système des subventions adopté en Algérie ne profite en réalité qu’aux importateurs et les contrebandiers comme le dénonce de nombreuses organisations professionnelles. L’Union générale des commerçants et artisans algériens appelle, par le biais de son porte-parole Hadj-Tahar Boulenouar, à la révision de la politique du plafonnement des prix des produits de large consommation. Pour leur part, la Confédération nationale du patronat algérien et le Forum des chefs d’entreprises ont critiqué à maintes reprises l’inefficacité du système de subventions des prix, affirmant qu’il « faut une organisation spécifique pour que les subventions arrivent aux franges de la société les plus démunies ».
Au gouvernement, il n’y a pas d’intention affichée d’arrêter les subventions. « On œuvre pour l’amélioration du système de subvention », a déclaré M. Rachid Benaissa, ministre de l’Agriculture. M. Benaissa a cité, à titre d’exemple, la signature des contrats entre l’OAIC et les transformateurs comme un indice de transparence dans la gestion des subventions de l’Etat aux produits de première nécessité, tout en reconnaissant des lacunes dans ce système. Les boulangers ont, de leur côté, dénoncée le détournement de la farine subventionnée au niveau des minoteries.
7% du PIB va aux subventions dans la région MENA
«Les experts reconnaissent depuis longtemps que, faute d’être correctement ciblées, ces subventions alimentaires, de même que celles qui portent sur l’électricité et sur les carburants, ne sont pas d’une grande utilité pour les pauvres, et peuvent même avoir un effet de distorsion sur les prix et la production agricole, sans parler de la lourde ponction sur les budgets nationaux », souligne le rapport de la Banque Mondiale. Dans la région MENA, englobant le Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, les statistiques de la Banque Mondiale démontrent « les effets néfastes de ces aides à la consommation pour l’équité et le budget de l’État ». « Les subventions alimentaires représentent environ 0,7 % du PIB de la région MENA, soit 22 milliards de dollars par an. Si l’on ajoute l’électricité et les carburants, la part du PIB consacrée aux subventions à la consommation atteint un taux faramineux de 7 %, ou encore 212 milliards de dollars de dépenses par an », précise le rapport de la Banque Mondiale, soulignant que le maintien des subventions jusqu’en 2030 dans cette région est deux fois plus coûteux que les sommes nécessaires pour compenser le manque à gagner pour l’économie mondiale de la malnutrition infantile d’ici là, estimé à 125 milliards de dollars, selon une étude de Save the Children.