30. Juli 2012 · Kommentare deaktiviert für b4p Überblick zur Kriminalisierung der Rettung im Mittelmeer · Kategorien: Italien, Libyen, Tunesien · Tags: , , , ,

ein Artikel von Mediapart:

Migrations: le sauvetage maritime en perdition

29 juillet 2012 | Par Carine Fouteau
Comment est-il possible qu’une embarcation dérive quinze jours en Méditerranée sans que ses passagers ne soient secourus? Cette question n’est pas théorique, elle s’applique à de multiples cas dont au moins deux recensés en 2011 et 2012, dans cette mer qui est l’une des plus fréquentée au monde. Des milliers de pêcheurs, de marins de navires marchands, de militaires et de plaisanciers y naviguent, surtout en cette saison estivale, qui est aussi celle où les migrants tentent le plus souvent la périlleuse traversée.

Dans le cadre du projet associatif Boats4People, qui s’est achevé le 19 juillet, un voilier a fait escale dans différentes villes d’Italie et de Tunisie pour alerter les opinions publiques européennes sur les risques mortels encourus aux frontières maritimes de l’UE, où au moins 1.500 personnes ont perdu la vie l’année dernière.

Afin d’interpeller les professionnels de la mer, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), partie prenante de l’initiative, vient de rédiger une note juridique leur rappelant leurs devoirs à l’égard des bateaux en perdition et les encourageant à ne pas se laisser troubler par les mésaventures judiciaires qu’ont connues certains d’entre eux.

Arrivée de Tunisiens à Lampedusa le 8 avril
                      2011. © ReutersArrivée de Tunisiens à Lampedusa le 8 avril 2011. © Reuters

À Lampedusa, Violaine Carrère, membre de cette association française, a rencontré plusieurs pêcheurs et a constaté leur préoccupation. Chacun semble se débrouiller à sa manière sans démêler précisément les règles du secours en mer des injonctions des autorités nationales: «Leurs discours parfois se contredisent, rapporte-t-elle, ils disent un jour que tout va bien, qu’il n’y a pas de problème, et le lendemain, quand on les rencontre pour la deuxième ou la troisième fois et que les caméras sont parties, que les choses sont compliquées. Par exemple, ils finissent par raconter que les garde-côtes leur demandent de donner l’alerte et d’attendre que les secours arrivent sans rien faire, sans s’approcher des migrants, de leur refuser l’accès à leur bateau, et de ne pas leur donner à boire.» «Ce genre d’instructions, insiste-t-elle, est contraire à la réglementation internationale.»

Toute personne en danger ou en situation de détresse en mer est en effet censée être secourue et autorisée à débarquer dans un lieu sûr, habituellement le port plus proche, quelle que soit sa nationalité. Ce principe ancestral est une obligation inscrite dans de nombreux textes, parmi lesquels la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Solas) de 1974 et la convention sur la recherche et le sauvetage maritime (SAR) de 1979. La convention de 1951 relative au statut des réfugiés exclut que les demandeurs d’asile soient conduits dans un pays où leur vie et leur sécurité peuvent être menacées.

Zone de
                      recherche et de sauvetage en Méditerranée. ©MRZone de recherche et de sauvetage en Méditerranée. ©MR

La convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 détaille les règles du secours en mer. Son article 98 prévoit que «tout État exige du capitaine d’un navire battant son pavillon que, pour autant que cela lui est possible sans faire courir de risques graves au navire, à l’équipage ou aux passagers: il prête assistance à quiconque est trouvé en péril en mer; il se porte aussi vite que possible au secours des personnes en détresse s’il est informé qu’elles ont besoin d’assistance, dans la mesure où l’on peut raisonnablement s’attendre qu’il agisse de la sorte; en cas d’abordage, il prête assistance à l’autre navire, à son équipage et à ses passagers, et, dans la mesure du possible, indique à l’autre navire le nom et le port d’enregistrement de son propre navire et le port le plus proche qu’il touchera.»

La convention internationale indique aussi que «tous les États côtiers facilitent la création et le fonctionnement d’un service permanent de recherche et de sauvetage adéquat et efficace pour assurer la sécurité maritime et aérienne et, s’il y a lieu, collaborent à cette fin avec leurs voisins dans le cadre d’arrangements régionaux».

«Aide à l’entrée d’étrangers en bande organisée»

Dans leurs eaux territoriales, les États sont responsables. En haute mer, ils ne disposent de pouvoir de juridiction qu’à l’égard des navires battant leur pavillon. Les navigants se réfèrent alors aux zones SAR qui désignent les pays chargés des opérations de sauvetage.

À l’usage, ces règles maritimes se révèlent imprécises et permettent aux autorités nationales de se défausser les unes sur les autres. En outre, elles entrent fréquemment en collision avec des législations nationales, notamment sur l’immigration, qui criminalisent les migrants. Ceux-ci, regrette le Gisti, sont souvent qualifiés d’“illégaux” ou de “clandestins” par les responsables politiques, les administrations et les médias parce qu’ils ne disposent pas de visa ou de titre de séjour pour entrer dans tel ou tel pays. En réponse aux exigences de l’UE, certains États, comme ceux du Maghreb, ont même fait de l’émigration un délit. Pourtant, en haute mer, les exilés ne sont techniquement sous le coup d’aucune loi.

La Déclaration universelle des droits de l’Homme autorise, par ailleurs, tout un chacun à quitter son pays. Ces personnes, enfin, sont susceptibles de demander une protection internationale. Dès qu’elles en auront l’occasion, beaucoup déposeront un dossier pour obtenir le statut de réfugié.

Pour autant, les capitaines hésitent parfois à porter secours en raison des procès qui ont pu être intentés contre eux. L’affaire des pêcheurs tunisiens a été retentissante. Deux chalutiers sont venus en aide, en 2007, à 44 personnes parmi lesquelles 11 femmes et 2 enfants retrouvées sur un canot gonflable au large de l’île italienne de Lampedusa. Les garde-côtes et les autorités de ce pays ont tout fait pour qu’ils accostent en Tunisie plutôt qu’en Italie, en vain.

Accusés de «résistance à navire de guerre, rébellion et résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique et d’aide à l’entrée d’un étranger en situation irrégulière», les commandants ont été condamnés par le tribunal d’Agrigente à trois ans et demi de prison, à la confiscation de leur outil de travail et à une amende de 440.000 euros.

En appel, quatre ans plus tard, ils ont été relaxés, le juge considérant qu’ils ont été contraints de forcer le passage pour porter assistance à des personnes en danger, quatre des naufragés ayant été transférés à l’hôpital. Mais la lourdeur de la peine en première instance a marqué les esprits.

Les marins gardent également le souvenir terrible du Cap Anamur, qui, en 2004, a pris à son bord 37 migrants en péril dans les eaux internationales du canal de Sicile. Après 21 jours d’attente à la limite des eaux italiennes, le capitaine, en raison de la dégradation des conditions de vie sur son bateau, a décidé, malgré l’absence de permis, de naviguer vers Agrigente. À son arrivée à terre, il a été arrêté, ainsi que deux autres personnes de l’équipage, pour aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière, délit aggravé par le fait qu’il aurait été commis en «bande organisée». Le procès s’est éternisé. Au bout de cinq ans, les prévenus ont été relaxés par le tribunal qui a reconnu non seulement qu’ils n’avaient fait que leur devoir mais aussi que le commandant est seul à même de déterminer quel est le port le plus adapté pour le débarquement.

À l’inverse, l’affaire Ruggiero Marino, en 2008, s’est soldée par une condamnation pour assassinat, confirmée en appel, d’un capitaine jugé responsable de l’omission de secours à des naufragés et de l’homicide d’un ressortissant somalien. Des dommages et intérêts ont en outre dû être versés aux survivants et à la famille du décédé.

«Il ne vaut mieux pas tomber sur un bateau de migrants le week-end…»

Tous les jugements rendus sont, au final, favorables à ceux qui portent assistance, mais les risques d’être poursuivis, d’y laisser plusieurs années de combat judiciaire, de voir son bateau réquisitionné et de perdre de l’argent en raison de l’impossibilité de pêcher en font douter certains et en poussent d’autres à s’en tenir au strict minimum, à savoir diffuser une alarme aux garde-côtes ou au centre maritime de coordination et de sauvetage (MRCC) à proximité.

D’autres raisons, moins avouables, existent. Par exemple lorsque les pêcheurs rencontrent une embarcation en péril alors qu’eux-mêmes se trouvent là où ils ne sont pas censés être. Comme le rappelle Violaine Carrère, du Gisti, les difficultés tiennent aussi aux instructions données par les garde-côtes et à la disponibilité de celles-ci. «Quand on les interroge, certains pêcheurs, relate-t-elle, affirment qu’il ne vaut mieux pas tomber sur un bateau de migrants le week-end…»

Le dispositif SAR a lui aussi montré ses limites. Lors de la guerre en Libye, un canot pneumatique a quitté Tripoli en mars 2011 avec 72 personnes à bord et a échoué près de Misrata deux semaines plus tard avec seulement neuf survivants. Le conseil de l’Europe a documenté ce drame et a conclu à des responsabilités multiples: entre autres celle des autorités libyennes qui n’ont pas réagi alors que l’embarcation était le plus souvent localisée dans sa zone d’intervention, mais aussi celle de l’Italie, qui, en qualité de premier État à recevoir les appels de détresse aurait dû coordonner les opérations de sauvetage et celle de l’Otan qui avait déclaré le secteur “zone militaire sous (son) contrôle” mais n’a pas non plus répondu aux alertes.

«Alors qu’il était notoire que de nombreux réfugiés quittaient la Libye par la Méditerranée pour se rendre en Europe, aucun accord de travail ne semble avoir été conclu entre les autorités responsables des opérations SAR et le quartier général de l’Otan à Naples», dénonce le rapport de l’institution européenne.

Selon de toutes récentes informations, un yacht de 15 mètres, transportant 125 migrants dont 26 femmes et 32 enfants, aurait été intercepté le 26 juillet vers 6h45 du matin au large de Santa Maria di Leuca dans les Pouilles. Une signalisation avait pourtant été faite la veille à 21h25 par un avion islandais opérant dans le cadre de Frontex, l’agence européenne pour la surveillance des frontières extérieures. La garde financière italienne aurait néanmoins attendu que le bateau arrive dans les eaux nationales pour lui venir en aide.

Les cas où les pays se renvoient la responsabilité sont récurrents. En témoigne l’affaire du cargo Pinar, battant pavillon turc et qui, en 2009, a fait monter à bord 140 migrants, dont plusieurs blessés, en détresse dans le canal de Sicile. Mais aussi bien les autorités italiennes que maltaises lui ont refusé l’entrée dans leurs eaux territoriales. Le bras de fer diplomatique a duré trois jours au cours desquels la nourriture est venue à manquer. Vu le tour médiatique qu’a pris l’affaire, le navire a finalement été autorisé à accoster en Sicile à Porto Empedocle. Un autre exemple remonte à 2011: un navire espagnol de l’Otan est venu en aide à une centaine de migrants. Pendant cinq jours, ni l’Espagne, ni l’Italie, ni Malte n’ont permis l’accès à leurs ports et c’est la Tunisie qui, en dernier recours, a accueilli les naufragés.

Pour clarifier la répartition des responsabilités, les Nations unies ont publié, en décembre 2011, leurs recommandations à l’égard des États et des marins: «Ne pas condamner les capitaines de navires pour trafic de personnes alors qu’ils ont secouru des personnes en mer, mais leur témoigner/offrir reconnaissance pour leur rôle. Relever le plus vite possible les capitaines de navire de la prise en charge médicale des survivants. Mettre en place des mécanismes de compensation des pertes financières encourues par les navires qui ont secouru des personnes en mer.»

Au-delà des grands principes, les militants de Boats4People ont réfléchi, au cours de leur périple, aux moyens de faire changer les choses concrètement. Un projet d’aide juridique dans les ports a vu le jour, avec pour mission d’informer les marins sur leurs droits et leurs devoirs et de les accompagner en cas de poursuites judiciaires.

Violaine Carrère évoque enfin un levier financier. À Lampedusa, l’un des pêcheurs qu’elle a rencontré n’a pas pu travailler l’année dernière pendant 40 jours en raison des arrivées continues de migrants. Son hangar, situé en bordure du port, a servi d’abri aux nouveaux venus, et, au bout du compte, a été détruit parce que tout le matériel disponible a été transformé en bois de chauffe. «Il s’est contenté d’un constat et d’une estimation des dégâts, mais il n’a pas porté plainte et n’a pas conservé une once de ressentiment à leur égard», indique-t-elle. Les pêcheurs, là-bas, ne sont assurés contre rien, si ce n’est la perte de leur bateau.» D’où l’idée de plaider pour la création d’un fonds d’indemnisation visant à les dédommager s’ils rencontrent un bateau en perdition.



Kommentare geschlossen.