16. Dezember 2016 · Kommentare deaktiviert für „Migrants refoulés d’Alger : Leur seul objectif revenir“ · Kategorien: Algerien · Tags:

Quelle: El Watan | 16.12.2016

Alors que le monde fête ce dimanche la Journée internationale des migrants, l’Algérie a une position «controversée» dans le domaine. Il y a 15 jours, les autorités ont déplacé près de 25 000 migrants vers le Niger et Tamanrasset. Plusieurs d’entre eux se trouvaient en situation régulière. Les migrants «s’indignent» et affirment qu’ils «feront tout pour regagner la capitale».

Meziane Abane

«Comme si nous étions des animaux, nous avons été humiliés et maltraités par les forces de sécurité chargées de nous interpeller. Nous sommes conscients que l’Algérie a des lois qu’elle peut faire valoir. Mais nous connaissons aussi nos droits que l’Etat algérien doit respecter. Nous ne sommes pas des sous-hommes.»

Osman*, 28 ans, réfugié malien, est reconnu comme demandeur d’asile par le bureau d’Alger de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Rencontré à Tamanrasset, Osman, qui semblait avoir des complications respiratoires, nous raconte, d’une voix presque inaudible, ce qu’il a vécu le jour de la rafle, début décembre, à Alger.

«J’étais à Staouéli en compagnie d’amis migrants de différentes nationalités. Nous étions partis pour revendiquer notre dû auprès d’un entrepreneur lorsque nous avons été surpris par des policiers qui nous ont obligés à montrer dans leurs camions. J’ai essayé de leur expliquer ma situation et leur dire que je suis un réfugié, en vain. Je n’ai même pas eu le temps de leur montrer ma carte d’asile. Je me suis fait bastonner à coups de matraque sur le dos.»

Il y a 15 jours, environ 2500 migrants ont été refoulés d’Alger vers Tamanrasset. Hommes, femmes, enfants ont été interpellés dans différents quartiers de la capitale dont Dély Ibrahim (Bouchbouk), Aïn Benian, Staouéli, Douéra ou Bordj El Kiffan, placés, dans en premier temps, dans un centre de jeunes à Zéralda puis transférés plus tard en bus en direction du Grand Sud algérien. Selon des informations recueillies sur place, deux convois ont quitté Alger vers Tamanrasset. Environ 1200 personnes ont été acheminées directement à la frontière du Niger. Quant aux 1000 migrants qui ont fait le deuxième voyage, ils ont été d’abord placés dans un camp de réfugiés à Tamanrasset puis libérés deux jours plus tard.

Réfugiés

A Tamanrasset, les migrants refoulés d’Alger sont livrés à eux-mêmes. Si les Subsahariens, installés dans la région, ont pu, en partie, trouver leurs repères au fil du temps, ceux venus d’Alger avouent être dans le désarroi. Ces derniers, rencontrés en ville, assurent qu’«ils vivent dans la précarité depuis leur arrivée à Tamanrasset».

C’est le cas de Yamissi, 28 ans, de nationalité nigériane et son amie du Libéria, une trentenaire, qui ont été interpellées dans un marché à Alger-Plage. «Je suis arrivée à Alger la veille et je me suis faite interpellée le lendemain. Avec mon amie, nous avons tout abandonné à Alger. Pourtant, nous avons supplié les policiers de nous laisser récupérer nos affaires, en vain. Ici, nous n’avons ni vêtement ni argent.

Nous dormons dehors, dans le froid, près de la mosquée du centre-ville. Je ne pense qu’à une chose, retourner à la capitale.» Les migrants qualifient les interpellations dont ils ont fait objet, d’«arbitraires». Car parmi les personnes refoulées, il n’y avait pas que des migrants en situation irrégulière, mais aussi «des personnes possédant une carte consulaire, un visa en cours, des étudiants, des réfugiés et des demandeurs d’asile».

Si la présidente du Croissant-Rouge, Saïda Benhabylès, évoque la convention signée entre l’Etat nigérien et son homologue algérien pour justifier le rapatriement de ses ressortissants, parmi les personnes refoulées d’Alger, se trouvaient aussi des Ivoiriens, des Maliens, des Nigérians, des Camerounais, des Gambiens, des Libériens et des Guinéens qui sont actuellement «bloqués» à Agadez, au nord du Niger.

Zéralda

Parmi eux, il y avait Cyril*, 31 ans, qui était dans le deuxième convoi. De nationalité camerounaise, ce jeune manœuvre travaillait dans un chantier de construction à Bab Ezzouar. «J’étais avec un Malien possédant un passeport valide et un visa en cours. Les gendarmes sont tombés sur nous comme si nous étions des terroristes. Nous leur avons montré nos papiers mais ils n’ont rien voulu comprendre. Ils nous les ont enlevé, nous ont interpellé et placé le même soir à Zéralda.

Nous étions traumatisés et nous nous demandions ce qui pouvait bien se passer en Algérie ? On avait cru qu’un terroriste subsaharien était recherché.» Cyril, qui se décrit comme africaniste, ne comprend pas comment il a pu subir de «telles injustices» dans un autre pays du contient ? «J’ai vu des gens blessés, d’autres se faire humilier ou cracher dessus. Je me suis demandé si nous étions des humains ou des animaux. Nous avons été battus.

Il y avait des policiers qui faisaient du karaté sur nous. Nous avions l’impression qu’ils n’avaient jamais exercé et faisaient leur exhibition sur des migrants sans protection. Je leur ai même dit : ‘‘Sommes-nous des humains ou non ? Sommes-nous Africains comme vous ou non ?’’» s’indigne-t-il. Si Cyril attend avec cinq autres réfugiés une réponse du HCR qui négocie, selon lui, avec les autorités algériennes afin de leur permettre de regagner Alger, le rêve de Yamissi d’atteindre le Maroc, puis l’Espagne et finir chez sa sœur en Italie, s’emble s’évaporer.

«Nous ne sommes pas autorisés à acheter des tickets et voyager», s’indigne Joël, 30 ans, Camerounais, qui avait déjà tenté de partir en bus. «Les gérants de bus refusent tous de vendre des tickets aux migrants. Pour voyager, il faut passer par des réseaux informels de taxis qui exigent 15 000 DA pour Alger et 10 000 DA pour Ghardaïa. Souvent, ils nous abandonnent devant les barrages de police ou de gendarmerie. Ces derniers ont deux options : soit ils nous interpellent et nous présentent à la justice ou ils nous demandent de continuer le voyage à pied. Mais ça, c’est pour les gens qui ont de l’argent.

Pour les autres, les pauvres comme nous, ils doivent soit travailler pour collecter la somme exigée ou partir à pied.» A la gare routière, le responsable d’une société de transport s’explique : «Ce n’est pas nous qui empêchons les migrants de voyager. Nous avons reçu des instructions de la Gendarmerie nationale interdisant toute vente de billet aux Subsahariens en situation régulière ou non. L’interdiction concerne également les Touareg qui n’ont pas de papiers.» Les migrants qui ont hébergé Joël à Tamanrasset ont accueilli d’autres refoulés d’Alger.

Le jeune Camerounais se dit traumatisé depuis que ces derniers lui ont raconté ce qu’ils ont subi dans la capitale. «Je remercie Dieu d’être encore en vie. Avant d’arriver à Tamanrasset, nous avons été pris en otage par des malfaiteurs. Ces derniers nous ont non seulement dépouillé, violé nos femmes, mais ils nous ont vendu comme des esclaves à des foyers ici à Tamanrasset. Chacun de nous s’est débrouillé à sa manière pour appeler la famille et payé la rançon. Je leur ai donné 9000 DA pour acheter ma liberté », dit-il avec amertume.

Consul

A Tamanrasset beaucoup d’habitants se demandent pourquoi l’Etat choisit leur ville pour accueillir les migrants. Certains la qualifient même de «dépotoir». Rencontrés près de la polyclinique de Tahagart, au quartier dit des «chômeurs», des copains partageant une partie de domino affirment ne pas partager cet avis. «Les migrants, notamment les Nigériens et les Maliens, sont des travailleurs. De plus, ils travaillent pour un salaire moins cher, explique l’un d’eux. Nous n’avons aucun problème avec eux.

Mais ça ne reste que notre avis car d’autres peuvent nous contredire. Moi, j’ai des amis migrants que j’invite à la maison où nous partageons le repas que prépare ma mère.» En juillet dernier, des échauffourées ont éclaté entre Algériens et migrants suite à un match de football. Les heurts ont causé des blessures à plusieurs personnes des deux côtés. En représailles, des maisons et foyers de migrants ont été saccagés et dépouillés. Le consul du Mali à Tamanrasset avait rapatrié depuis, 500 Maliens.

Rencontré à son bureau, le consul général du Mali, Abderahmane Galla, assure que c’était «à la demande de ses ressortissants», mais il n’a pas souhaité commenter le dernier refoulement d’Alger. Idem pour les responsables de la wilaya de Tamanrasset qui n’ont pas accepté de nous recevoir. Joint par téléphone, un cadre de la DGSN a réfuté la thèse de maltraitance. Il a infirmé «avoir interpellé des personnes en situation régulière». «Nous n’avons pas le droit de les maltraités. Quant à la maltraitance que vous évoquez, sachez que nous n’avons enregistré aucune plainte au niveau de nos services», assure-t-il.

Si les services de la police nationale ont réagi aux propos des migrants, cela ne fut pas le cas de la Gendarmerie nationale qui avait pourtant promis de nous rappeler. La présidente du Croissant-Rouge affirme, dans un appel téléphonique, qu’elle a déployé «tous les moyens logistiques et humains pour la réussite de l’opération». Aujourd’hui, certes de nombreux migrants veulent rentrer chez eux, mais la majeure partie d’entre eux ne songe qu’à une chose : regagner Alger. D’ailleurs, beaucoup économisent l’argent pour pouvoir faire ce voyage de rêve.

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