20. Juli 2015 · Kommentare deaktiviert für Serbien, Ungarn: Reportage aus Grenzstadt Kanjiza · Kategorien: Serbien, Ungarn

Voici un article d’Aleksandra Isakov (Politika). Traduction du serbe. D. Grcic

Kanjiža, dernier arrêt avant d’entrer dans l’UE (Politika)

Dans leurs GPS, les Syriens les plus favorisés ont indiqué cette ville frontalière, où ils attendent la nuit avant de passer la «frontière verte». Photo (A. Isakov): le repos avant de surmonter le dernier obstacle: la frontière hongroise.

Kanjiža – Je ne dirai pas mon vrai nom, mais seulement le surnom de dr. Tony, parce que si ce soir nous ne parvenons pas à franchir la frontière, je ne souhaite pas voir mon nom dans le journal, dit de façon catégorique ce médecin qui a quitté la Syrie il y a 3 mois.

«J’ai pleuré toute la nuit quand j’ai quitté Damas et j’ai pleuré chacune des nuits qui ont suivi. C’est très dur, non seulement sur le plan physique, c’est difficile, mais c’est encore plus difficile sur le plan émotionnel, quand on doit quitter sa ville, son pays, toute la vie qui était la sienne», précise le Syrien.

Dans les cafés du jardin de Kanjiža, les seuls clients sont des migrants de Syrie. Presque tous les jeunes gens parlent anglais et appartiennent à la couche instruite des migrants. Le médecin Tony montre son jeune frère juriste, son frère plus âgé a longtemps enseigné en Chine, parmi d’autres on trouve dans ce groupe des étudiants en économie et en droit maritime. Tony est visiblement le chef informel de ce groupe, car tandis que nous conversons d’autres l’abordent, et il leur donne de l’argent pour faire des achats dans les environs, pour ce qui sera la dernière et sans doute la plus importante des étapes de leur voyage: le passage de la frontière avec l’Union européenne.

Les migrants se rendent à Kanjiža depuis 2009, explique Robert Lacko, président du Conseil municipal de Kanjiža, mais à l’époque il s’agissait de petits groupe de dix ou vingt personnes. A la fin de l’année passée, il y a eu une vague de migrants venant du Kosovo et puis, à partir du mois de mars de cette année, il y a eu un véritable boum des migrants, dans cette ville frontalière de 9.000 habitants, où chaque jour se suivent près de 1.500 malheureux, pour la plupart de Syrie.

Jusqu’à présent, il arrivait en moyenne jusqu’à 1.000 personnes, mais la semaine passée, après que la Hongrie ait annoncé la construction d’une clôture le long de la frontière, le nombre de ceux qui arrivent a augmenté. La société de transports en autocars „Lasta” compte quatre lignes régulières jusque Kanjiža, mais presque chaque jour il y a eu jusqu’à 12 départs depuis Belgrade, le maximum que l’on connaît est le jour où il y a eu 20 autocars. Tous sont remplis de migrants. Nous avons essayé de trouver un accord pour qu’ils ne soient pas transportés au centre de Kanjiža, mais plutôt de les laisser à proximité de la «ligne verte» [NdT: la frontière avec la Hongrie], mais cela n’a pas été possible. Dans les GPS de navigation de leurs téléphones a été enregistrée cette route et ils n’en dévient pas. Du reste, ils sont à des milliers de kilomètres de leur maison et n’ont pas d’autre choix que de suivre la route qui leur a été décrite – explique Lacko.

Les migrants ont rempli le parc du centre de Kanjiža à 50 mètres du siège du conseil municipal. Il y en a dans le parc de Banja Kanjiža mais aussi le long de la rivière Tisa. Pour eux, Kanjiža est simplement un répit et à partir de 17h jusque minuit, tous se rendent dans le village voisin de Martonoš qui, avec 1.500 d’habitants, à ces heures du soir est deux fois plus important. Le but de ces migrants, ce sont les 300 mètres de la zone forestière qui séparent la Serbie de la Hongrie, et le passage de la frontière, ou bien ils attendent leur «correspondance». Comment on peut avoir appris à Damas l’existence du parc de Kanjiža et de la «frontière verte» de Martonoš, ce n’est pas une si grande énigme.

Nous supposons qu’il y a une vingtaine d’entre eux qui se sont engagés professionnellement dans la conversion des Syriens à travers la frontière, et ils se relaient. A part cela, selon différentes sources, tout est organisé par des Syriens qui vivent ici légalement, qui ont les documents requis, et leur travail se fait par le biais du téléphone [NdT: en Serbie on peut acheter une carte SIM sans donner son identité], et ils sont donc presque insaisissables – souligne Lacko.

Cette migration comprend une haute technologie et entraîne le fait que la population migrante à Kanjiža est significativement différente de celle qui arrive à Subotica, car dans l’ancienne fabrique de briques de Subotica ont trouve surtout des Afghans démunis qui ont faim et vont pieds nus, alors qu’à Kanjiža il s’agit pour la plupart de Syriens, et les paquets et sacs-à-dos autour d’eux indiquent que bien qu’ils ont voyagé plusieurs mois, ils ne sont pas venus sans rien.

Le médecin Tony confirme que chacun a pu payer pour cette partie de Belgrade jusqu’à la frontière les frais de taxi qui se montent à près de 1.500 euros. De la frontière jusque Vienne cela coûte encore 1.500 euros. Mais la plupart d’entre eux sont arrivés avec les transports publics, en train ou en autocar.

Nous ne demandons rien, nous n’avons besoin de rien, seulement d’un endroit où prendre une douche. Mais on ne nous laisse pas dans le hôtels, on ne nous permet pas de passer la nuit n’importe où. Ici, dans ces sacs en plastique il y a les vêtements que nous avons achetés, nous avons acheté de la nourriture et de l’eau. J’ai tous mes papiers et le passeport, mais même à Belgrade on n’a pas voulu me donner d’argent via Western Union. Nous le voyons quand ils nous vendent les cigarettes plus chères que ce qu’elles coûtent, nous achetons tout nous-mêmes, et c’est probablement bien ici dans les magasins. Nous sommes conscients de notre situation de migrants illégaux, et nous savons que nous n’avons aucun droit à nous rebeller.

Au contraire, nous disons tous merci – raconte Tony. Leurs expériences dans les camps en Turquie, où ils ont laissé les femmes, étaient très difficiles, et ils racontent l’hostilité des habitants de Macédoine.

Ils ont rencontré la première main amicale dans un village, ils ont oublié son nom, dans le sud de la Serbie, proche de la frontière avec la Macédoine. Ils avancent que leur séjour à Belgrade a été difficile, et ici à Kanjiža il s’agit d’un répit pour reprendre le souffle avant de traverser la frontière. Ils ont appris que l’on construit une clôture, mais qu’importe, disent-ils, si c’est nécessaire, il faut y arriver. L’objectif de Tony, c’est la Finlande, car il est en contact avec un ami qui est déjà en Finlande et qui lui a expliqué qu’après 45 jours, il sera en mesure de faire venir son épouse qui est restée dans un camp de Turquie. Il explique comment est son épouse, elle est ingénieur, et elle envisage de s’inscrire à un master et d’entreprendre un doctorat.

C’est justement sur une zone proche de Martonoš que la Hongrie a commencé lundi à construire la barrière de fil de fer barbelé visant à arrêter la traversée illégale de la frontière avec la Serbie, et d’ici vendredi devraient être posées les premiers 150 mètres de clôture (…).

En attendant, Kanjiža est parvenue à ce jour à faire face au problème des migrants. Lacko explique que le plus difficile est qu’aucun niveau du gouvernement n’a de solution à ce problème, mais plutôt des solutions au jour le jour des problèmes urgents, et il y a un sentiment d’un piétinement sur place plutôt qu’une solution à long terme. Il existe encore la possibilité de placer Kanjiža en situation d’urgence, et c’est au niveau municipal que cette décision doit être prise.

Le problème, c’est que nous avons fait appel à l’aide de l’État et de la Province et nous ne savons toujours pas comment cela arrivera et sous quelle forme. Si c’est une aide financière qui arrive à la société communale „Komunalac”, qui porte la plus forte charge de nettoyage et de ramassage des déchets et le nettoyage dans Kanjiža des déchets laissés par les migrants, ce serait une partie de la solution, mais si l’argent arrive sur le budget de la Ville, alors pendant un mois nous ne pourrons l’utiliser tant que cela n’aura pas été mis à l’ordre du jour des appels budgétaires de la commune – nous précise Lacko.

Ce jeudi [16 juillet] au matin, des bouteilles d’eau sont arrivées de la Province, de la nourriture, des couches et des produits d’hygiène pour soutenir la commune de Kanjiža, pourtant Lacko précise que d’après leurs expérience passées, les migrants ont peur et ne veulent rien recevoir d’autre que des bouteilles d’eau.

Source: Aleksandra Isakov, Kanjiža – poslednja sirijska čekaonica pred vratima EU, Politika, 18 juillet 2015. Traduction: Dragan Grcic.

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