26. Februar 2013 · Kommentare deaktiviert für Senegalesischer Film über Boat-people · Kategorien: Nicht zugeordnet · Tags:

La Pirogue, un vaisseau pour traverser l’océan des souffrances

Dans son film La Pirogue, le cinéaste sénégalais Moussa Touré fait prendre la mesure de la tragédie de l’émigration à tout prix.

http://www.slateafrique.com/96497/cinema-moussa-toure-avec-ceux-qui-prennent-la-pirogue

Valérie Marin La Meslée

Mise à jour du 25 février 2013: La Pirogue du Sénégalais Moussa Touré est en lice pour l’Etalon du Yennenga, le grand prix du Fespaco (Festival panafricai de cinéma de Ouagadougou), qui s’est ouvert le 23 février. Ce film avait déjà remporté le Tanit d’or, récompense suprême des Journées cinématographiques de Carthage,  le 24 novembre à Tunis.

Enfin, le septième art venu du continent vient montrer au monde ce que vivent tous ces Africains en partance pour l’Europe sur une simple pirogue.

La Pirogue, c’est le titre du film du cinéaste sénégalais Moussa Touré, présenté dans la sélection officielle Un certain regard au dernier festival de Cannes, et qui sort sur les écrans en France le 17 octobre.

De nombreux documentaires ont jusqu’ici cerné, par la force des témoignages, l’effrayante réalité: on se souvient notamment de Graines que la mer emporte de feu El Hadji Samba Sarr, ou encore de Barcelone ou la mort d’Idrissa Guiro.

Du côté de la fiction, c’est la littérature qui détient la palme avec Marie Ndiaye et l’histoire de Khadi Demba, sur laquelle s’achève Trois femmes puissantes (éd. Gallimard, prix Goncourt 2009).

Si le phénomène des harragas (clandestins de la mer) ont inspiré de nombreux écrivains pour le Maghreb, Salim Jay le tout premier avec Tu ne traverseras pas le détroit (éd. Mille et une nuits), puis Boualem Sansal, Tahar Ben Jelloun, on ne voyait rien venir de la part d’auteurs subsahariens sur ce qui se jouait de plus en plus gravement depuis les côtes du Sénégal.

Jusqu’à ce qu’en 2008, dans une certaine discrétion, paraisse aux éditions Continents noirs (Gallimard) un tout petit livre du romancier sénégalais Abasse Ndione, connu pour sa manière de raconter sa société, que ce soit par le polar La vie en spirale série noire, (Gallimard) ou le grand et beau roman Ramata (déjà porté à l’écran).

On se demandait si son texte intitulé Mbëkë mi à l’assaut des vagues de l’Atlantique, Mbëkë mi signifiant «coup de tête», celui sur lequel on décide de partir relevait du récit, ou de la longue nouvelle, même si sa qualité essentielle était de parvenir à dire les enjeux de ce réel par la fiction, il faut dire que l’auteur, infirmier à la retraite, est placé aux premières loges, puisqu’il habite Rufisque (25 km au sud-est de Dakar) et voit régulièrement des jeunes prendre la pirogue.

Son livre est justement la base du scénario du film de Moussa Touré. Il a été longuement retravaillé par le producteur Eric Névé et le scénariste David Bouchet, qui l’ont adapté de façon plus contemporaine pour que Moussa Touré puisse faire sienne en images cette histoire.

De quoi s’agit-il? D’un départ pour l’Espagne, depuis une plage du Sénégal, de trente candidats à l’immigration, d’origines diverses, Toucouleurs, Wolofs et Guinéens, et cette hétérogénéité joue un grand rôle dans ce film qui montre les difficultés de communication, voire de cohabitation, entre eux.

Le grand départ se prépare dans le secret. Baba Laye, (incarné par le formidable acteur sénégalais Souleymane Seye Nidaye), pêcheur expérimenté, accepte, à contrecœur, d’être le capitaine de l’embarcation, le responsable de toutes ces vies humaines.

Le voyage commence et le défi prend toute sa puissance. Dans un espace par définition clos, ces hommes en partance pour l’inconnu vont en passer par tous les états, mais d’abord apprendre à connaître les motivations des uns et des autres, qu’il s’agisse pour un accidenté unijambiste de se faire soigner en Europe ou de bien d’autres seulement désireux de se projeter au-delà de l’impasse de leur situation au pays, en rêvant d’accéder à une vie meilleure.

La force du scénario tient non seulement au danger même des conditions du voyage, soumises à l’impitoyable météo, mais aussi à la relation intime entre le capitaine de la pirogue, Baba Laye, et son jeune frère, qui ne rêve que de rejoindre des amis à Paris pour se lancer dans une carrière musicale.

La tension est encore augmentée par la présence d’une voyageuse imprévue…

Mises à part quelques faiblesses, dans la façon de montrer les personnages en train de rêver, de rejeter des cadavres bien légers par dessus bord, ou d’introduire parfois un peu trop de pathos, et oubliées aussi des facilités de scénario comme ce rappel un peu trop téléphoné de «l’homme africain pas assez entré dans l’histoire», ou encore ces références à l’actualité de la crise de l’Europe, le film atteint son objectif.

Il donne corps et âme à ces Africains désespérés qui jouent le va-tout dans ce périple, il parvient à faire ressentir profondément ce par quoi ils peuvent en passer. Le réalisateur choisit de filmer au plus près des visages, des regards, des corps et ce langage s’avère vraiment payant.

La pirogue a beau se nommer Goor fitt (qui n’a peur de rien), c’est cette peur qui peu à peu s’installe et ne disparaît pas.

A la petite échelle du tournage, le réalisateur l’a éprouvé puisque La Pirogue a dû être  tourné dans une sorte de studio, piscine naturelle sur la petite côte du Sénégal, avec des acteurs dont aucun ne savait nager…

Le film s’ouvre sur une scène de lutte, qui ancre l’histoire dans une réalité sénégalaise. Moussa Touré a annoncé que la lutte serait le sujet de son prochain film.

En attendant, il a su montrer comment celle que les hommes entreprennent de mener contre la mer, à la fois nourricière et dévorante, s’avère impitoyable.

Valérie Marin La Meslée

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