09. Dezember 2013 · Kommentare deaktiviert für Tunesien Schwarzbuch: Who is Who – die Ben-Ali-JournalistInnen · Kategorien: Tunesien

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Younes Djama (DeTunis)

Moncef Marzouki règle ses comptes avec les journalistes pro-Ben Ali, la corporation s’indigne

La presse tunisienne vit ses moments les plus durs de l’ère post-Ben Ali. En plus des agressions dont ils sont victimes depuis quelques mois, les journalistes tunisiens ont accueilli avec une grande indignation, le « Livre noir » du président tunisien provisoire, Moncef Marzouki.

Le « pamphlet » de 285 pages a été rendu public la semaine dernière par les services de l’information de la présidence de la République. Pour des journalistes tunisiens, Moncef Marzouki règle de vieux comptes avec des personnalités et des hommes des médias, qu’il accuse d’avoir servi sous le règne du président déchu, Zine El Abidine Ben Ali. Ainsi, pas moins de 500 personnalités, essentiellement des journalistes, sont citées dans ce « livre noir », dont l’élaboration s’est basée sur des archives. D’aucuns s’interrogent sur le timing choisi par M. Marzouki et surtout, sur ses motivations, dans un contexte politique incertain, avec le report des consultations pour la formation d’un nouveau gouvernement.
Indignation des médias
Dans une tribune publiée dans le quotidien La Presse, Abdelhamid Gmati se demande « si c’est le moment d’enclencher un campagne électorale alors que le pays se débat dans une crise multiforme destructrice ». Et d’observer que « les faits cités sont probablement réels, encore qu’il faille vérifier le contenu des archives, mais la manière tendancieuse et orientée de les présenter leur ôte toute crédibilité… », ajoute-t-il. Samy Ghorbal, journaliste et écrivain dont le nom figure dans le livre, comme ayant „trempé“ avec l’ancien régime, s’insurge dans une lettre ouverte au président provisoire Moncef Marzouki. „Le ridicule ne tue pas, heureusement d’ailleurs, car sinon, vous seriez mort, vous et vos collaborateurs“, s’insurge-t-il. Dans le „livre noir“ du système de propagande sous Ben Ali, Samy Ghorbal y est présenté comme un journaliste aux ordres de l’ATCE, la défunte Agence Tunisienne de Communication Extérieure, la machine à propagande du président déchu.
La réaction de Samy Ghorbal
Battant en brèche les allégations dont il est l’objet, Samy Ghorbal, cite quelques uns de ses „hauts faits d’armes“ qui contrastent avec les accusations de connivence avec l’ancien régime. „J’étais l’un des seuls à parler de la grève de la faim d’Ahmed Néjib Chebbi et de Maya Jeribi, en octobre 2007. J’ai été le premier à traiter du retour spectaculaire du voile islamique. C’était à l’été 2003, et à l’époque, dans la presse, c’était un tabou, car officiellement l’islamisme, avait été éradiqué. En septembre 2008, j’écrivais sur les prisonniers politiques islamistes, en faisant témoigner Ali Laârayedh ou Samir Dilou, qui sortaient de prison“. Le journaliste met au défi le président Marzouki de retrouver un seul article signé de son nom, où il aurait encensé le régime de Ben Ali.

Le « livre noir » s’inspire de données « objectives et palpables »

Suite au tollé suscité par cette publication, la présidence tunisienne par la voix de son porte-parole Adnane Mansar, explique que le « livre noir » est une œuvre descriptive élaborée par des cadres administratifs et archivistes relevant de la présidence « à partir de données objectives et palpables ». Pour lui, les critiques émanant « de ceux qui ont quelque chose à se reprocher et appréhendent les révélations sur le rôle qu’ils avaient joué en faveur de la dictature et du système oppressif » qu’était le régime de Ben Ali. Tout en promettant de nouvelles révélations. Mais Abdelhamid Gmati réplique que « plusieurs collaborateurs notoires de l’ex dictateur n’ont pas été cités dans le livre de M. Marzouki.
La présentation elle-même du livre, confiée à une chaine islamiste et à un journaliste notoirement connu pour son allégeance au dictateur principalement à son épouse Leila Trabelsi, surnommée la « régente de Carthage », ont achevé de décrédibiliser la publication. « En fin de compte, le livre de Marzouki est tout simplement un appel au retour des médias de la honte. Etonnant de la part d’un militant des droits de l’homme », conclut le journaliste tunisien.

Les journalistes et l’effet de cour

« La période de Ben Ali est derrière nous. A quoi bon exhumer les actes de ceux, journalistes ou intellectuels, qui ont ‘’aidé’’ ce régime à asseoir l’image qu’il voulait donner ? Est-ce par souci de transparence ? Est-ce pour informer les citoyens ? », s’interroge pour sa part, Azza Filali. Pour elle, tout pouvoir possède un effet attractif qui draine vers lui les plus faibles et les plus opportunistes, désireux de se faire une place à l’ombre des puissants et disposés à exécuter tout ce qu’on leur demande. « Un tel effet de cour, dit-elle, existe depuis qu’existent des êtres qui commandent et d’autres qui obéissent ». La journaliste et intellectuelle ne pense pas moins que lorsqu’une nouvelle époque commence, elle est théoriquement porteuse d’espérances. « Ce n’est pas en remuant la fange d’un régime politique disparu qu’on répondra aux attentes des citoyens… ».

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