20. Juli 2013 · Kommentare deaktiviert für Wem gehört die Sahara? Bodenschätze und Grenzregimes · Kategorien: Frankreich, Mali, Sahara · Tags: ,

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Qui mettra la main sur le Sahara ?

16 Juillet 2013

A qui appartiennent le Sahara et ses ressources minières ? À personne d’autre qu’à ses habitants et au soleil, pourrait-on penser. Pourtant, que ce soit la France, la Libye, le MNLA ou AQMI, nombreux sont les acteurs qui ont voulu façonner le désert en retraçant ses frontières. Aujourd’hui la course continue. Explications.

En ce début janvier 2012, c’est la saison froide au Niger. Dans les rues de Niamey, la capitale, il ne fait « que » 35°C mais l’atmosphère est brûlante, car la France vient d’intervenir militairement dans l’État voisin du Mali. Soutenu par de nombreux pays, le gouvernement français veut empêcher que les groupes armés AQMI, Ansar Dine et MUJAO s’emparent de la capitale malienne y installent une dictature fondamentaliste. Il s’agit de sauver une démocratie et d’épargner au reste du monde la création d’un nouveau sanctuaire pour terroristes en mal de jihad. Pourtant, Moussa Tchangari soupçonne que ces belles intentions en cachent d’autres, moins avouables. Le secrétaire général de l’association nigérienne Alternative a organisé une conférence dans ses locaux ensablés pour décrypter les dessous de cet acte annoncé dans la presse malienne et française comme un don de la Providence.

Tandis que Jean-Pierre Olivier de Sardan, anthropologue français et nigérien, y compare l’intervention de l’armée française au Mali par rapport à sa non-intervention en Tchécoslovaquie contre l’Allemagne nazie en 1938, préférant signer de tièdes accords de Munich qui auront les conséquences désastreuses que l’on connaît, le militant nigérien ne peut s’empêcher de voir l’ombre du néocolonialisme planer derrière l’apparente bienveillance tricolore : « Les relations entre le MNLA et la France sont ambiguës. La France a parachuté des armes à la rébellion touareg pendant le conflit en Libye de 2011 pour leur permettre d’aller envahir le nord du Mali. Nous avons des preuves. Les dirigeants français veulent ressusciter l’OCRS ! »

Quand la France voyait grand au Sahara

L’OCRS , c’est quoi ? Une organisation de CRS formée pour donner des coups de matraque aux terroristes sahariens ? En 1957, l’Organisation Commune des Régions Sahariennes fut créée pour « promouvoir toute mesure propre à améliorer le niveau de vie des populations et à assurer leur promotion économique et sociale dans le cadre d’une évolution qui devra tenir compte de leurs traditions ». Ça, c’est pour le côté officiel, le discours censé servir de support au rêve de « Grand Sahara » du Général de Gaulle. Ivan du Jonchay, auteur d’une note intitulée L’infrastructure de départ du Sahara et de l’OCRS en 1957, y livre les deux objectifs plus pragmatiques de l’organisation : l’enrichissement de la France en devises et le développement industriel de l’Algérie pour « résorber sa longue misère ». Comment ? En exploitant les ressources gazières, pétrolifères et uranifères présentes dans le sous-sol de la région de l’OCRS, qui s’étendrait sur deux grands départements algériens (Saoura et Oasis), dans les cercles de Goundam, Tombouctou et Gao au Mali, au nord des cercles de Tahoua et Agadès au Niger et dans les régions du Borkou, de l’Ennedi et du Tibesti au Tchad.
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A terme, écrit l’explorateur enthousiaste, l’OCRS pourrait devenir un « Etat qui possèderait les attributs de la souveraineté. » A cette époque où le soleil des indépendances point déjà à l’horizon, l’idée d’Etat saharien souverain vend du rêve à une partie des Touaregs du Mali. « Au nom de leur alliance à long terme avec la puissance coloniale, les Touaregs des Ifoghas ont, à l’indépendance, pu croire que la France recyclerait à leur profit le projet un temps caressé d’OCRS, autrement dit d’un Etat saharien fondamentalement touareg. C’est cette nostalgie et cette illusion qui sont entre autres à l’origine de la première rébellion indépendantiste, celle de 1963, qui est partie des Ifoghas et de Kidal », explique Jean-Pierre Olivier de Sardan.

Le MNLA conquiert le nord Mali

La France n’a alors pas soutenu la création d’un Etat touareg. Le fait-elle plus aujourd’hui, dans l’optique de remettre la main sur les ressources énergétiques de la région, sous couvert de lutte contre le terrorisme ? « Cette vision tient plus d’une idéologie ancienne que d’une analyse sérieuse : on analyse tout acte de la France comme une expression de la Françafrique et on croit encore que la politique française est „néo-coloniale“, alors qu’il n’y a plus de véritable politique française vers l’Afrique. Il y a aussi l’argument des „immenses richesses souterraines du Nord Mali“ sur lesquelles la France veut mettre la main ! Or : (a) rien n’est vraiment établi quant au potentiel de ce sous-sol ; (b) pour arriver à l’exploiter, s’il a des ressources réelles, il faudra au moins 20 ans (la carte géopolitique peut donc beaucoup changer) ; (c) ce n’est plus avec des soldats en terre étrangère qu’on gagne les marchés aujourd’hui. Il suffit de voir ce que fait la Chine ! », réplique Jean-Pierre Olivier de Sardan. D’autant qu’à comparer la carte du projet finalement avorté d’OCRS et celle de République de l’Azawad, proclamée le 6 avril par le MNLA, les frontières ne concourent pas.

Est-ce à dire que le projet d’Azawad indépendant, loin d’être le joujou d’une politique néocoloniale, repose sur un véritable projet de reconquête nationale ? Là encore, cette grille de lecture est remise en cause par les spécialistes de la région : « La soi-disant reconquête de leur territoire historique par le MNLA est une imposture scientifique doublée d’une supercherie politique. Il n’y a jamais eu de chefferie ni de royaume touareg dans l’Azawad. Le nom Azawad correspond d’ailleurs à une superficie de 350 km² qui va de Tombouctou à l’oasis d’Araouane, une région peuplée de Maures Berabich. Or le MNLA revendique la souveraineté sur trois régions administratives –Gao, Tombouctou et Kidal- du Mali qu’ils ont renommées „territoires“ pour mieux se les attribuer », rappelle André Bourgeot, anthropologue, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de la bande sahélo-saharienne. Le projet d’élaborer un « Etat touareg », a été entretenu pendant 40 ans par des « entrepreneurs ethniques » de l’Adrar des Ifoghas devenus « ethnico-militaires » en Libye, précise Jean-Pierre Olivier de Sardan.

Pour le dire autrement, l’hégémonie touareg au nord Mali avant la colonisation était une « hégémonie sans projet politique unificateur, basée sur les razzias ou le prélèvement des tribus », détaille-t-il, tout en rappelant que les Touaregs de l’Adrar des Ifoghas sont minoritaires au nord du Mali, face aux Songhaï, aux Touaregs Ouelleminden originaires de Ménaka et anticolonialistes, ou encore aux dénommés « Bellas », les esclaves noirs des Touaregs. Coté razzia par contre, la continuité historique est bien là : les habitants de la région de Gao ont témoigné aux organisations des droits de l’homme Human Rights Watch, Amnesty International ou la Fédération Internationale des Droits de l’Homme de nombreux cas de viols et de pillages perpétrés par les membres du MNLA, lors de la prise de la ville du Nord par les séparatistes touaregs en 2012.
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MNLA : de l’indépendantisme au fédéralisme

Alors pourquoi la France continue-t-elle de soutenir le MNLA, si ce n’est pas pour « ressusciter l’OCRS », autrement dit exploiter les ressources du sous-sol saharien, ni pour soutenir la création d’un Etat légitime ? Le MNLA n’est « ni notre ami ni notre ennemi, c’est une autre histoire », avait déclaré le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le 26 avril 2013. Une histoire dont on aimerait connaître le fin mot. Car « la politique française face à MNLA est ambiguë, juge André Bourgeot. Le MNLA était mort avant l’Opération Serval et c’est cette intervention qui lui a donné une nouvelle vigueur à Kidal, notamment quand les militaires français ont interdit l’armée malienne d’y pénétrer. Cela créé une situation politique et idéologique favorable aux amalgames », poursuit l’auteur de l’ouvrage Les sociétés touarègues. Nomadisme, identité, résistances (1995, édition Karthala). D’ailleurs, « la présence d’intérêts miniers au Mali n’est pas une vue de l’esprit, estime le chercheur. Il y a du potentiel uranifère dans l’Adrar des Ifoghas, la région de Kidal ; c’est le même filon que l’exploitation d’Imouraren au Niger, la plus grande mine à ciel ouvert d’Afrique. »

Reste l’idée que la France, en évitant l’intervention de l’armée malienne à Kidal, le fief du MNLA, a voulu protéger les populations du Nord de possibles exactions revanchardes. Ou que le MNLA serait indispensable pour retrouver les otages français d’AQMI, disparus depuis plus de mille jours. « Mais celui qui sait où sont les otages, c’est Iyad Ag Ghali, le fondateur d’Ansar Dine, pas le MNLA. Les autorités françaises se sont fait rouler dans la farine si elles pensaient utiliser le MNLA à cette fin », lâche André Bourgeot. Actuellement, le MNLA n’est plus qu’un des multiples organes de représentants des Touaregs, créés et dissous selon l’évolution de la négociation avec Bamako. Le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad, présent lors des négociations à Ouagadougou (Burkina Faso) qui ont abouti à la décision de laisser l’armée malienne entrer à Kidal le 18 juin, est opposé à tout projet indépendantiste. Marginalisé, le MNLA a revu ses objectifs à la baisse et appelle désormais de ses vœux un Mali fédéral…

La France, l’uranium et le Sahélistan

Revenons-en à un point incontournable de la nouvelle géopolitique du Sahara : la présence d’AQMI et des autres groupes terroristes, du MUJAO aux Signataires par le sang de Mokhtar Belmokhtar. Rares sont les voix qui contredisent la légitimité de l’intervention française face au danger djihadiste qui pesait sur le Mali, quand ces groupes armés s’apprêtaient à fondre sur la ville de Sévaré le 11 janvier 2013. Pour Samir Amin, directeur du Forum du Tiers-Monde, l’intervention française a permis d’éviter à l’Hexagone de passer à la trappe face au projet islamiste de Sahélistan : « La France, qui était parvenue à sauvegarder du projet du „Grand Sahara“ le contrôle du Niger et de son uranium, n’occuperait plus qu’une place secondaire dans le Sahélistan », écrit-il. Parler de « Sahélistan » revient à dénommer le Sahara d’Al Qaeda au Maghreb Islamique, « un grand Etat couvrant une bonne partie du Sahara malien, mauritanien, nigérien et algérien doté de ressources minérales importantes : uranium, pétrole et gaz », décrit l’économiste marxiste égyptien. L’intervention française a stoppé cette extension.

A quand un Sahara indépendant ?

Mais on n’en sait toujours pas plus sur l’avenir du Sahara. Les enjeux stratégiques autour du désert sont multiples, entremêlés, et l’ont toujours été, « depuis l’époque romaine », précise André Bourgeot. Outre les ressources minières prometteuses, la question du contrôle des trafics de migrants et de drogue est aujourd’hui centrale. Une chose est sûre, la disparition du régime de Mouammar Kadhafi a bouleversé les enjeux régionaux. Le roi des rois d’Afrique avait d’ailleurs lui aussi pour rêve de laisser son empreinte sur la cartographie de la bande sahélo-saharienne. C’est à Tripoli qu’est lancée la Communauté des Etats sahélos-sahariens en 1998, regroupant 28 pays du Sénégal à Djibouti, avec pour objectif de garantir la liberté de circuler, de séjourner et d’échanger des biens et des services dans chacun des Etats membres. Préalable à un effacement des frontières entre ces Etats ? En 2006, lors de la fête du Maouloud à Tombouctou, le Guide Suprême Libyen lance la Ligue populaire et sociale des tribus du Grand Sahara, avec l’objectif, à terme, de créer un Etat saharien indépendant. Dans la charte écrite pour l’occasion, on retrouvait l’engagement « à défendre au péril de notre vie la sécurité, la sûreté et l’indépendance du Sahara ».

On ne saura jamais si Kadhafi aurait réussi à unifier le Sahara, mais il est presque certain que la capitale aurait été… Tripoli. Aujourd’hui, l’enjeu de ce « Grand Jeu » est de savoir qui, parmi les défenseurs du Sahélistan, d’un Azawad indépendant ou fédéraliste ou encore de l’Etat du Sahara, parviendra à faire pencher la balance en sa propre faveur.

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