24. November 2016 · Kommentare deaktiviert für Réfugiés : l’Autriche « déporte » les demandeurs d’asile vers la Croatie · Kategorien: Balkanroute, Kroatien, Österreich

Quelle: Le Courrier des Balkans | 21.11.2016

Depuis le début de l’été, l’Autriche multiplie les expulsions de demandeurs d’asile vers la Croatie. Une procédure administrative garantie par le règlement Dublin III selon Vienne. Pourtant, ces demandeurs d’asile sont pour la plupart entrés sur le sol autrichien quand le corridor humanitaire de « la Route des Balkans » était ouvert. Une aberration que dénonce la société civile.

Par Chiara Milan

Officiellement, le corridor humanitaire qui, du nord de la Grèce conduisait en Autriche et en Allemagne, en passant par la Macédoine, la Serbie, la Croatie et la Slovénie, a fermé en mars 2016, après avoir permis le passage de près de 700 000 migrants et réfugiés depuis septembre 2015. Malgré sa fermeture, la « route des Balkans » continue d’être empruntée chaque jour par des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant la guerre et la pauvreté. Pour rejoindre le nord de l’Europe, tous doivent désormais s’en remettre au bon vouloir de trafiquants sans scrupules.

Depuis le début de l’été, même ceux qui ont réussi à atteindre l’Autriche ne peuvent plus dormir tranquilles. En juillet 2016, Vienne a en effet commencé à expulser vers la Croatie, des réfugiés arrivés entre décembre 2015 et mars 2016, au moment où le corridor humanitaire était ouvert. « Beaucoup d’entre eux se trouvent en Autriche depuis des mois », s’indignent les infatigables militants de l’ONG Border Crossing Spielfeld, qui viennent en aide depuis plus d’un an à tous ceux qui traversent la frontière austro-slovène.

Deux pas en avant, trois pas en arrière

Certains expulsés avaient même déjà entrepris un parcours d’insertion et la plupart de ces demandeurs d’asile ont droit à une protection internationale, comme le prévoit la Convention de Genève. Selon les estimations, plus de 3300 réfugiés syriens, irakiens et afghans auraient déjà été expulsés vers la Croatie. « On dirait le jeu de l’oie », ironise une militante, « on avance de trois cases et on repart de zéro ».

Les migrants expulsés sont transportés sans préavis à l’hôtel Porin de Zagreb, un vieil établissement de l’époque socialiste situé aux portes de la capitale croate. Aujourd’hui, il est bondé : même les couloirs ont dû être transformés en dortoirs. Des familles s’y trouvent, alors qu’elles devraient être hébergées au centre de rétention de Kutina, à 75 km de Zagreb, là a où sont accueillies les personnes vulnérables. Mais le centre a lui aussi atteint la limite de ses capacités d’accueil.

Depuis le début des « déportations », comme ils les qualifient, en Croatie, les militants de Border Crossing Spielfeld sont en contact régulier avec les réfugiés qu’ils aidaient en Autriche. Ils traversent la frontière avec des véhicules chargés de vivres ou de médicaments, écoutent les histoires, offrent un soutien juridique. Ils ramènent aussi aux migrants leurs affaires abandonnées en Autriche, qu’ils ont été contraints de quitter à l’aube en n’emmenant que le strict nécessaire.

Des expulsions signées « Dublin III »

Comment est-il possible que l’Autriche puisse renvoyer des demandeurs d’asile vers la Croatie ? Pour avoir la réponse, il faut se référer au règlement Dublin III adopté en 2013 par le Parlement européen. Ce texte prévoit que le premier État de l’UE ayant admis et enregistré l’entrée d’un citoyen d’un pays tiers (y compris par ses empreintes digitales) doit assumer l’examen de sa demande de protection internationale. Selon Vienne, c’est donc à Zagreb de gérer les demandes d’asile des réfugiés qui se trouvent sur le sol autrichien.

En réalité, pour la majeure partie des migrants, le premier pays européen à avoir attesté de leur entrée est la Grèce. Or, ils ne peuvent pas y être accueillis en raison de la saturation totale du système d’accueil et d’asile de la Grèce. Les migrants sont donc renvoyés par les autorités autrichiennes vers le second pays européen qui s’est trouvé sur leur chemin.

Voilà comment le ministère de l’Intérieur autrichien opère : Vienne demande à Zagreb la prise en charge des demandes d’asile des migrants et réfugiés ayant transité sur son territoire. Si la Croatie ne s’y oppose pas dans les deux mois qui suivent, les expulsions sont légales pour un délai de quatre semaines. Les critères retenus pour ces expulsions n’ont pas été rendus publics par les ministres de l’Intérieur des deux pays.

« Laissez-les rester ! »

Si l’opinion publique autrichienne se déchire entre partisans et opposants à l’accueil des demandeurs d’asile, la société civile est bien décidé à ne pas se taire face aux expulsions. Des rassemblements ont été organisés dans treize villes pour exprimer la solidarité avec les réfugiés. Les expulsions vers la Croatie commencent aussi à interpeller les médias internationaux, grâce à la sensibilisation de diverses ONG.

Plusieurs avocats autrichiens contestent aussi ces expulsions qu’ils considèrent comme illégales. Dublin III prévoit en effet le rapatriement vers le premier État membre pour les demandeurs d’asile entrés illégalement dans l’UE. Or, ceux qui sont actuellement renvoyés d’Autriche vers la Croatie sont arrivés lorsque le corridor humanitaire était ouvert. Le règlement Dublin III était alors suspendu et les autorités organisaient même les transports pour permettre un parcours sécurisé des migrants sur la « Route des Balkans ». « L’application de Dublin III ne peut pas être rétroactive », explique un avocat qui défend des migrants menacés d’expulsions.

L’Autriche a d’ores et déjà prévu de reconduire en 2017 le numerus clausus de 37 500 établi en début d’année pour limiter les demandes d’asiles. Lorsque ce chiffre est atteint, Vienne refuse l’examen de toute nouveau dossier et l’expulsion vers le premier état-membre d’accueil est systématique. Fin septembre 2016, près de 30 000 demandes d’asile avaient été déposées en Autriche. Depuis mai 2016, une loi autorise en outre Vienne à refuser toute demande d’asile si le pays se trouve en état d’urgence.

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