Le transit des migrants vers l’Europe s’intensifie
Quand l’Algérie devient un pays d’accueil
Algérie News
D’un pays de transit vers l’Europe, l’Algérie devient de plus en plus une terre d’accueil pour les migrants subsahariens. C’est le constat que révèle une enquête de terrain réalisée par l’ONG internationale « Médecins du monde (MdM), auprès de la population migratoire en Algérie.
« 80% des migrants déclarent que l’Algérie n’était pas, pour eux, le pays de destination », souligne Charlotte de Bussy, responsable de la mission MdM en Algérie, lors d’une rencontre organisée, hier, au siège de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) (aile Noureddine Benissad, NDLR). La rencontre qui coïncidait avec la journée internationale des migrants, célébrée le 18 décembre de chaque année, était l’occasion pour les spécialistes d’aborder la question de l’accès aux droits pour les migrants se trouvant en Algérie, et cela au regard d’une part, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et d’autre part, de la législation nationale.
Selon la représentante de MdM en Algérie, « la majorité des migrants viennent de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest » pour transiter vers d’autres pays européens. Mais, « depuis que les politiques migratoires des gouvernements sont devenues trop restrictives », relève-t-elle, les migrants se trouvent obligés de rester dans des pays autres que leur destination. Ainsi, il s’avère, que « 93% des migrants touchés par l’enquête déclarent vouloir rester en Algérie ».
C’est dire que la question des migrants est désormais, une réalité en Algérie, bien que Mme De Bussy ait tenté de minimiser de son ampleur, estimant le nombre officiel qui est d’environ 30 000 migrants irréguliers « ne représente pas grand-chose » en comparaison avec le nombre d’habitants. Pourtant, au regard du droit international, l’Algérie doit respecter les conventions internationales en la matière, notamment celle adoptée par les Nations unies, le 18 décembre 1990 et ratifiée par l’Algérie le 29 décembre 2004. Pour maître Nouredine Benissad, président de la LADDH, « il y a absence d’accompagnement en matière de législation nationale».
C’est dire que l’Algérie ne s’est pas donné la peine d’harmoniser ses textes de loi avec les textes internationaux qu’elle a ratifiés. Preuve que les autorités n’accordent pas assez d’importance à la question. Pourquoi alors, n’y a-t- il pas assez de refoulement à la frontière ? À ce sujet, maître Benissad explique que « l’Algérie se devait de respecter les normes de bons voisinages avec les pays de la région », et relie cet état de fait au « climat d’insécurité » qui prévaut dans les pays frontaliers, surtout du côté sud.
Un guide pour les migrants
Pour ce qui est de l’accès aux droits, les conférenciers ont présenté, à l’occasion, un guide destiné aux migrants en Algérie, élaboré par la LADDH en partenariat avec MdM. Le document traite de sept chapitres relatifs au droit à l’entrée, au séjour et à la sortie, le droit aux soins, le droit aux documents de l’état civil, le droit au travail, le droit au logement, le droit à l’éducation et le droit face à la justice. Un travail de « sensibilisation et d’accompagnement » a été mené, dans ce sens, en direction des administrations et des structures sanitaires, mais aussi en direction des migrants pour leur faire connaître leurs droits. Généralement, indique Charlotte de Bussy, « les migrants ignorent complètement comment ils doivent procéder, lorsqu’ils se trouvent dans des situations difficiles ». L’exemple du droit aux soins reste le plus révélateur car, fera remarquer la conférencière, il y a une sorte de règle que « lorsqu’on n’a pas le droit au séjour, on n’a pas le droit aux soins». « À force que les politiques migratoires deviennent plus restrictives, le migrant devient une personne vulnérable qui peut subir des violences », regrette Mme De Bussy qui signale « l’enregistrement de cas d’arrestations de migrants après avoir reçu des soins dans des hôpitaux ».
De son côté, Moumen Khellil de la LADDH a dénoncé une politique « discriminatoire » du pouvoir, s’agissant de la scolarisation des enfants migrants, puisqu’on accorde facilement le droit aux enfants des réfugiés syriens en Algérie et on le dénie aux migrants subsahariens. Pour l’argument de la langue arabe avancée par les officiels, Moumen Khellil estime que « tous les enfants sont disposés à apprendre ».
Aïssa Moussi