20. Dezember 2013 · Kommentare deaktiviert für Bulgarien Abschiebelager Foltervorwurf: algerische Häftlinge berichten · Kategorien: Algerien, Bulgarien · Tags:

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Détenus dans des centres de rétention bulgares depuis des mois
Les prisonniers algériens lancent un SOS aux autorités

A peine avons-nous soufflé après le passage de la frontière, voilà que les gardes-frontières bulgares nous tombent dessus.
Nous avons subi des sévices et le pire des traitements, on nous a roués de coups de matraque et de coups de pied, j’en garde les séquelles jusqu’à aujourd’hui», témoigne Samir, de Boumerdès, 23 ans, rencontré à Sofia.
Traverser la frontière turco-bulgare est un risque que doivent absolument prendre les harraga et ce n’est pas toujours gagné d’avance, même avec les passeurs.

Les témoignages corroborent et dénoncent les traitements inhumains des Bulgares. Un pays qui, le 1er janvier prochain, rejoindra officiellement l’Union européenne.  Malika Benarab-Attou, eurodéputée des Verts/ALE, dénonce cette situation de non-dit et l’inaction des différentes autorités. «Que font les autorités bulgares, la Commission européenne et les ambassades concernées pour sortir ces personnes de cette situation dégradante qui dure depuis plusieurs mois ? Des personnes actuellement détenues (Algériens, Marocains, Tunisiens, etc.) dénoncent des conditions de détention inhumaines et contraires aux standards internationaux. Les installations sanitaires, l’hébergement, l’accès à la nourriture et aux soins font gravement défaut.»  Halim, joint par téléphone à la prison de Busmantzi, raconte : «Faut absolument faire quelque chose, personne n’est venu à notre secours, nous sommes détenus dans des conditions inhumaines, ils nous traitent comme des animaux. A peine s’ils nous servent un repas par jour.»

Le centre de Busmantzi, dans la banlieue proche de Sofia, créé en 2006, était pointé du doigt par des associations de défense des droits de l’homme, notamment Migreurop et le Comité d’Helsinki, depuis 2008. Face au rush des migrants clandestins, la Bulgarie semble dépassée et n’arrive pas à subvenir aux besoins des détenus.
Nous réussissons à nous infiltrer à l’intérieur avec le concours d’une association d’aide humanitaire. Un mur encercle les lieux, doublé de fils de fer barbelés. Grâce aux aides, les autorités ont équipé le centre en appareils de chauffage, chaque lit est adossé à un chauffage. Ce jour-là, des soupes et du pain, des fruits et du fromage sont servis aux détenus par l’association. Une bénévole confie que depuis quelques semaines, face aux pressions européennes, «les responsables tentent d’améliorer les conditions de vie des détenus dans la perspective d’une visite des députés européens».

Les témoins encombrants, des «harraga torturés» comme le montrent des photos, ont été transférés vers un autre centre, tenu secret pour l’instant. Halim, la vingtaine, désespéré, a  tenté de se suicider il y a quelques jours. Mais grâce à ses amis, il arrive à tenir le coup. «Je veux rentrer au pays, mais l’ambassade ne fait rien. L’autre jour, un responsable nous a rendu visite et n’a rien fait», révèle-t-il. Halim est détenu depuis le 18 septembre. Sa silhouette frêle, son visage pâle, sa voix éteinte renseignent sur son drame. «Ils m’ont tabassé et à chaque fois que je me plains ou que j’ose dénoncer ces pratiques, la réponse est brutale», témoigne le jeune harrag.

Retour à Vitosha où nous rencontrons Samir, Mourad, Rafik, trois ex-détenus des centres de rétention, qui racontent leur calvaire : «Nous sommes passés par trois centres avant d’arriver à Sofia. Toujours les mêmes pratiques, à la limite de la torture. Nous sommes systématiquement déshabillés, interrogés violemment, laissés sans eau ni nourriture.» Selon nos interlocuteurs, les Maghrébins subissent un traitement particulier qualifié d’inhumain. «Un policier m’a même traité de terroriste, de chien arabe», atteste Rafik. Samir a certainement subi l’humiliation, il a été victime d’attouchement sexuel. En aparté il nous raconte son histoire, les larmes aux yeux : «Un soir, un gardien s’est approché et a voulu abuser sexuellement de moi, j’ai protesté et il m’a roué de coups.» «Le lendemain il est revenu à la charge, cette fois épaulé de deux autres agents et ils ont tenté de me violer», ajoute-t-il. Le jeune homme de 18 ans interrompt la discussion et nous quitte, effondré. Il ne serait pas le seul puisque, dans le milieu des harraga de Sofia, ce genre d’histoires est monnaie courante. Cependant, l’ambassade d’Algérie à Sofia ne répond pas aux cris de détresse lancés par ces jeunes, dont quatre parmi eux seraient morts. La dépouille d’un harrag a été rapatriée il y a un mois. Et le drame continue.

Zouheir Aït Mouhoub

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Sur les traces des harraga algériens en Europe : Le calvaire du couloir bulgare

Miziriya oua tahya El Djazaïr» (la misère et vive l’Algérie). Le slogan, repris en chœur au lendemain de la qualification de l’équipe nationale, retentit jusqu’au cœur de Sofia, la capitale bulgare. Sur la place centrale de Sofia et ses environs immédiats, il m’arrive de me sentir presque à Alger : des «saha kho» clamés ici et là, des «labess ?» affables de compatriotes. Sans parler des chamailles entre délinquants tonnant de gros mots aux accents algériens.

Je suis bloqué ici depuis le mois de novembre, je tente de réunir la somme de 1200 euros nécessaire pour passer la frontière serbe», me confie d’emblée Chafaa, 22 ans. Rencontré à Vitosha, le quartier commerçant de la capitale bulgare, silhouette effilée et cheveux en bataille, le jeune immigrant du Djurdjura supporte bien le froid des Balkans et ne semble pas regretter le soleil du pays : «Au bled, j’ai trimé comme un forcené. J’ai fait le plongeur, le serveur, tous les métiers imaginables pour amasser l’argent et me payer un billet pour la Turquie. J’avais une idée fixe : quitter le pays absolument !»

Comme Chafaa, ils sont nombreux à tenter le couloir bulgare pour passer en Europe. Il semble désormais que la plupart des nouveaux harraga ont renoncé à l’ancien passage grec, quasiment impénétrable depuis bientôt une année suite aux pressions européennes exercées sur Athènes. Les contrôles aux frontières ont été durcis et le dispositif Frontex renforcé. La Bulgarie est la nouvelle destination des harraga algériens. Avec une frontière de près de 270 km avec la Turquie, la Bulgarie est désormais la nouvelle porte dérobée des immigrés clandestins à l’assaut de l’Europe.

Débarqué à Istanbul en septembre, Chafaa a dû payer doublement le prix pour traverser la frontière turco-bulgare. «Ma première tentative à bord d’un camion a lamentablement échoué, nous avons été interceptés par les militaires bulgares qui avaient installé, ce soir-là, un dispositif renforcé.» 500 euros de perdus. Une autre parade est trouvée et Chafaa est revenu à la charge. «La deuxième tentative était la bonne. A la faveur de la nuit, nous avons réussi à traverser la frontière à pied, après quelque 30 minutes de marche, le passeur nous a emmenés vers une sorte de campement de fortune, nous y avons passé le reste de la nuit dans un froid glacial», se souvient Chafaa grelottant, emmitouflé dans sa veste russe.

La traversée Nassim, un Algérois de 26 ans rencontré également sur la place  Vitosha, a été un calvaire. «Les militaires qui ratissaient la zone nous ont surpris à 4h du matin. J’étais perché sur un arbre. Le militaire qui m’a débusqué m’a tiré par le pied. Je suis tombé par terre et les soldats m’ont roué de coups de pied. Ils nous ont traîné dans une caserne où ils nous ont fait subir un cruel interrogatoire», se souvient le jeune homme, les yeux humides, visiblement encore traumatisé. «Nous avons été  séquestrés dans les cellules de la caserne dans des conditions inhumaines. Au bout d’une dizaine de jours, j’ai réussi à convaincre mes geôliers que j’étais un réfugié syrien. Une astuce que m’avaient refilée des anciens. Aussitôt dit, aussitôt affranchi : ils m’ont jeté dehors comme un pestiféré !» se rappelle Nassim, un peu plus soulagé. Mais ce n’était pas encore la fin de sa peine. Dépaysé, sans le sou, il a erré quelques jours avant de rejoindre ses amis harraga à Sofia. Là-bas, les jeunes sans ressources sont livrés à eux-mêmes. Pour survivre, les réflexes coupables prennent le dessus et ils s’adonnent au vol et à des méfaits en tout genre. «Allah ghaleb khouya, il faut bien manger à sa faim, et surtout trouver l’argent pour payer les passeur de la frontière serbe …»

Squat
A Sofia, le calvaire des harraga persiste et s’accentue. L’indifférence des gens et le handicap de la langue isolent les jeunes étrangers. Se nourrir et se ravitailler est une tâche ardue. Mais le plus urgent est de trouver un refuge. Les immeubles délabrés abandonnés qui pullulent à la périphérie de la ville sont une aubaine pour ces jeunes SDF. Chafaa et ses amis ont défoncé la porte d’un immeuble désaffecté, l’ancien foyer d’un lycée fermé. Le groupe s’est abrité loin de regards dans une pièce humide au dernier étage, meublée de lits superposés. «Nous nous éclairons avec nos portables et des bougies pour ne pas attirer l’attention de la police et des habitants de l’immeuble d’en face», explique Chafaa en maître des lieux. Les premiers arrivants ont durement payé leur indiscrétion. «Nombreux sont ceux qui croupissent encore en prison par la faute de leur maladresse. La police de l’immigration les a arrêtés suite aux dénonciations des riverains très méfiants à l’égard des étrangers», soutient de son côté Mourad. Ce jeune homme originaire de Tizi Ouzou vit à Sofia depuis trois mois ; il est devenu le guide des nouveaux arrivants en Bulgarie. Son téléphone n’arrête pas de sonner. «Je reçois des appels d’Algérie, de Turquie, beaucoup de jeunes me sollicitent. Ils me prennent pour un passeur, ce n’est pas le cas. Je m’occupe uniquement des compatriotes qui errent ici sans repères. Je leur indique un refuge et je prends 200 euros pour les mettre en contact avec un passeur», reconnaît-il.

Sac magique
A Sofia, les hôtels sont chers. Les plus nantis trouvent refuge dans un célèbre immeuble, chez une vieille dame bulgare, où la location d’une chambre équipée est de 15 euros (3000 DA environ) la nuit.
Pour subvenir à leurs besoins, les jeunes migrants démunis basculent très vite dans la délinquance. Même les plus honnêtes deviennent des professionnels des larcins les plus improbables. Le vol à l’étalage est une pratique répandue parmi les harraga. La technique est appelée le «sac magique».

Les harraga ont trouvé une parade aux détecteurs antivol. Ils arrivent en grande surface munis de sacs ou de cartables tapissés d’aluminium, ce qui rend tout système de détection antivol inefficace. Ils se font également passer pour des clients riches en prenant une allure élégante et sérieuse. «Il faut soigner son look, se mettre en costume-cravate, trafiquer un cartable et partir à l’assaut des grands magasins, de préférence en fin de journée ou très tôt le matin», nous explique Nacer,  23 ans, originaire de Tiaret.

«Bip bip les chwamra !»
Les produits prisés sont les parfums de luxe, les montres, les smartphones, la marchandise sera par la suite revendue au noir à des Bulgares. «Ce sont des produits faciles à écouler et très demandés par les Bulgares qui éprouvent des difficultés à boucler leurs fins du mois. C’est aussi el misirya (la misère) chez eux. Certains nous commandent même des articles spécifiques, des produits esthétiques de marque pour leurs femmes», précise Nacer.

Son ami Samir se vante en nous montrant l’étiquette de sa veste : «C’est le dernier cri, Calvin Klein. Montre Rolex, lunettes Aviator de chez Ray Ban !» Il en a même fait un business : «Je ne prends que les commandes. Certains me demandent des montres spécifiques, d’autres des bijoux… Chacun formule sa requête. Moi je dois satisfaire dans un délai ne dépassant pas les trois jours, sinon je perds mon client.» Selon lui, de nombreux harraga détenus dans les prisons bulgares ont été pris en flagrant délit de vol ou de recel. Ce genre de pratiques est toujours en vigueur. Et bien d’autres méfaits encore, nous a-t-il confié.

Les ruses et astuces ne manquent pas à ces jeunes chapardeurs. Les gadgets technologiques sont leurs armes. Le «bip», un appareil brouilleur d’ondes, est l’équipement indispensable de ces filous. «Au bled, il coûte seulement 500 DA, nous nous le procurons ici à 250 euros», nous apprend Salah, 18 ans natif de Tiaret. Ce jeune harrag nous a avoué, sans honte, s’adonner à ce genre de larcins. Il explique que cet appareil permet de bloquer le verrouillage automatique des portières de voiture. Leur cible : les taximen. «Ici les gens payent avec leur carte bancaire, seuls les chauffeurs de taxi disposent d’argent liquide.» Salah guette ses victimes le soir.
Dès qu’un chauffeur de taxi s’arrête pour faire des courses, Salah actionne son «bip», le conducteur verrouille à l’aide de sa télécommande les portières de sa voiture sans vérifier qu’elles le sont effectivement. «Une fois qu’il entre dans le magasin, je me précipite vers la voiture et je prends la caisse, parfois je tombe sur un gros butin, jusqu’à 500 lévas (la monnaie bulgare), l’équivalent de 250 euros» confie-t-il avec un sourire en coin.

D’autres jeunes rôdent dans la ville à la recherche d’une occasion. «Dès qu’une voiture de luxe stationne, j’actionne mon bip et à moi la belle affaire», poursuit sans vergogne le jeune harrag. «Hélas mon frère, je n’ai pas d’autre choix, je vous jure que j’étais un honnête gars, c’est  la harga qui m’a transformé», se désole-t-il.

Dans le milieu des harraga, ces pratiques sont très courantes et les anciens les transmettent aux nouveaux : «C’est notre sujet de discussion phare entre harraga, on s’échange les techniques, les lieux à cibler, on travaille en bande aussi, on se couvre les uns les autres…»
Le vol à la sauvette est un méfait usuel dans les rues de Sofia. Complices, les harraga ont leurs propres codes et un langage crypté : le vol à la tire est désigné par le vocable «chwamra».
Leurs victimes sont les riches passants ; bijoux et téléphones portables sont leur cible de prédilection. Dans le sac de Nassim, une vingtaine de portables, des iPhone qu’il n’arrive pas à écouler. «Ils ont tous été signalés volés et les opérateurs les bloquent systématiquement, je les garde dans l’espoir de pouvoir les vendre en Europe, là-bas il serait possible de les jailbreaker chez un technicien qui ne parle pas bulgare !» ironise-t-il.

L’Europe, la destination ultime envisagée par tous. «Nous ne savions pas que la Bulgarie était un pays pauvre et que la vie était aussi dure ici, nous sommes obligés de réunir 1200 euros pour quitter ce maudit traquenard. L’Europe est encore loin», lance Salah, dépité.
Pour lui et ses acolytes, cette dangereuse aventure n’est pas encore finie, ils continuent, à leurs risques et périls, à s’adonner à tout genre de méfaits  pour enfin pouvoir rejoindre la Serbie, prochaine étape de leur misérable odyssée.

Zouheir Aït Mouhoub

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