31. Januar 2013 · Kommentare deaktiviert für Mali: Human Rights Watch fordert internationale Menschenrechtsbeobachter gegenüber malischer Armee · Kategorien: Mali, Sahara · Tags:

Philippe Bolopion
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Mali, l’honneur de la France

29 janvier 2013

L’armée française devrait s’assurer que son allié malien n’empêche pas les journalistes d’enquêter à Sévaré et ailleurs. Au lieu de détourner le regard, elle devrait préserver les preuves de violations graves et protéger les témoins, pour que la justice malienne et la Cour pénale internationale (CPI) puissent faire leur travail.

Au Mali, l’opération Serval commence à peine mais, dans son sillage, émergent déjà des violations graves des droits de l’homme par des éléments de l’armée malienne. A Sévaré, récemment menacée par les groupes islamistes armés, les soldats français patrouillent non loin d’un puits dans lequel des cadavres anonymes, maintenant recouverts d’une couche de terre rouge, se décomposent.

A Seribala, non loin de Niono, un témoin oculaire nous a décrit l’exécution par des soldats maliens de deux civils touareg, avant que des gens ne pillent leurs maisons. Nous enquêtons aussi sur des viols perpétrés par des militaires maliens près de Sévaré.

Il faut reconnaître aux dirigeants français le mérite d’avoir envoyé des messages fermes aux responsables maliens, affirmant que les „dérapages“ ne seraient pas tolérés.

JEAN-YVES LE DRIAN A APPELÉ LE COMMANDEMENT MALIEN À ÊTRE „VIGILANT“

Mercredi 23 janvier, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a appelé le commandement malien à être „extrêmement vigilant“, affirmant que „leur honneur est en cause“. Mais c’est aussi l’honneur de la France qui est en cause, et peut-être demain la responsabilité juridique de son personnel militaire.

Le danger ? Que l’armée française ouvre la route du Nord à des troupes maliennes assoiffées de vengeance qui commettent ou tolèrent des exactions contre des ennemis capturés ou des civils perçus comme ayant soutenu l’ennemi. Cela n’est pas un procès d’intention. Depuis des mois, des éléments de l’armée malienne commettent des crimes en toute impunité.

Des soldats maliens ont intimidé des journalistes et exécuté de soi-disant collaborateurs des rebelles, souvent d’origine touareg ou arabe. Selon plusieurs témoins, des bérets rouges maliens impliqués dans une tentative de contrecoup d’Etat fin avril 2012 ont été torturés, brûlés avec des cigarettes, frappés sur les parties génitales ou forcés de violer des codétenus. Le 8 septembre, 16 prédicateurs islamistes ont été tués dans le camp militaire de Diabali.

Les forces gouvernementales n’ont pas l’apanage du mal. Des combattants islamistes ont recruté des enfants de force, ouvert des écoles coraniques sur leurs bases, aujourd’hui cibles de frappes aériennes, amputé les membres de soi-disant voleurs, pris des otages, imposé leur vision de la charia à une population interdite de fumer, d’écouter de la musique ou de s’habiller comme elle l’entend.

ACCUSÉS D’AVOIR TUÉ, LE 26 JANVIER, AU MOINS 70 SOLDATS MALIENS

Ils ont détruit de précieux sites culturels et sont accusés d’avoir tué, le 26 janvier, au moins 70 soldats maliens qui s’étaient rendus.

Quant aux séparatistes touareg du MNLA, brièvement alliés aux combattants islamistes qui les ont chassés, et qui s’offrent aujourd’hui en supplétifs de l’intervention internationale, certains de leurs combattants se sont rendus coupables de l’enlèvement et du viol de femmes et de filles, certaines âgées de 12 ans à peine, notamment à Gao et dans les environs. Selon nos enquêtes, ils ont pillé des hôpitaux, des écoles et eu recours à des enfants-soldats.

Les tensions ethniques sont palpables. Dans le nord du pays, des personnes à la peau claire, d’origine touareg ou arabe, nous ont confié avoir fui de chez elles par peur d’être associées à l’ennemi. A Bamako, des maisons appartenant à des Maliens d’origine touareg et arabe ont été fouillées et certaines pillées par des soldats maliens.

Le maire de Mopti a expliqué au journaliste du Monde que les partisans de l’islam politique devaient désormais se raser ou s’habiller pour se „démarquer“ des combattants islamistes.

Nos enquêtes ont établi que depuis des semaines des milices progouvernementales, notamment songhaï et peules, ont préparé des listes de personnes, certaines décrites comme des „collaborateurs“, contre lesquelles elles veulent se venger. Ces listes ont été transmises à l’armée malienne.

ARMÉE COUTUMIÈRE DES VIOLATIONS

Confrontée à un ennemi sans égard pour le droit international humanitaire, alliée à une armée coutumière des violations, soutenue par les troupes de pays voisins au bilan douteux en matière de droits de l’homme, comment la France pourra-t-elle s’assurer que son intervention ne se traduise pas par de nouvelles souffrances pour les populations ? Comment s’assurer que la rhétorique antiterroriste ne serve pas, comme en d’autres temps et d’autres lieux, à justifier des crimes ?

Pour commencer à relever ce défi, l’armée française devrait s’assurer que son allié malien n’empêche pas les journalistes d’enquêter à Sévaré et ailleurs. Au lieu de détourner le regard, elle devrait préserver les preuves de violations graves et protéger les témoins, pour que la justice malienne et la Cour pénale internationale (CPI) puissent faire leur travail. Dans les zones de non-droit qu’elle aide à reprendre, elle devrait conserver une présence aux côtés des troupes maliennes.

Elle devrait aussi placer des juristes militaires auprès de l’état-major malien et accélérer avec l’Union européenne la formation des soldats maliens aux bases du droit international. L’ONU, de son côté, doit répondre à l’appel de la France en déployant rapidement des observateurs des droits de l’homme.

Il est aussi temps de rappeler aux dirigeants maliens, comme à ceux des groupes islamistes armés, que la CPI pourrait un jour les traîner devant un tribunal à La Haye s’ils laissent leurs troupes commettre des crimes de guerre.

Une chose est sûre : la France ne pourra se laver les mains des abus commis par une armée malienne qu’elle porte à bout de bras.

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Philippe Bolopion est le directeur des relations avec l’ONU auprès de Human Rights Watch.

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