28. Juli 2014 · Kommentare deaktiviert für Choucha: Offener Brief Flüchtlinge in Tunesien · Kategorien: Tunesien · Tags: ,

Lettre ouverte

Trois années et demi se sont écoulées depuis l’ouverture du camp de réfugiés de Choucha sur le sol tunisisen, que restait-il du passage des réfugiés du conflit libyen et qu’elles étaient les personnes qui vivaient encore à Choucha. À quelles difficultés s’exposaient aujourd’hui les réfugiés non-reinstallés présents en Tunisie, demandeurs d’asile et “débouté(e)s” de ce droit ?

En tant qu’observateurs et personnes qui depuis l’ouverture de Choucha ont soutenu les réfugiés du camp. Un an après la fermeture du camp, nous dénonçons les politiques menées par le HCR Tunisie et l’OIM concernant la gestion des réfugiés statués et déboutés de Choucha. Ces organisations nient les droits des personnes et la possibilité de ces personnes à reconstruire dignement leurs vies en Tunisie :

Les déboutés du droit d’asile et les statués ayant acceptés l’intégration locale ne sont pas reconnus par le gouvernement tunisien. Les organisations internationales des droits de l’homme effacent l’existence du camp de Choucha, qui officiellement a été fermé en juin 2013 : “Choucha n’existe plus !” disent-ils. Et pourtant, il y a encore entre 60 et 80 personnes sur place qui réclament le droit d’avoir une protection internationale en tant que “tous”, réfugiés de la guerre libyenne, plus des autres dixaines dispersés dans plusieurs villes de la Tunisie. La situation de Choucha et des réfugiés statués ou non, nous montre que la Convention de Geneve est inadéquate au contexte géopolitique actuel et envers les personnes qui se déplacent dans le monde, surtout à cause des guerres. Le principe du pays d’origine ne peut plus être une condition pour attribuer la protection internationale aujourd’hui, et les guerres et les conflits desquels les personnes s’enfuient ne sont pas limités à ceux reconnues par l’UNHCR et par tous les organismes internationaux.

Autre fait marquant, à plusieurs reprises, des réfugiés statués ont témoigné que l’OIM et l’ UNHCR leur ont fait la proposition de rentrer volontairement dans leur pays d’origine renoncant à leur statut de réfugié. Comment est-ce possible que ces organisations encouragent aujourd’hui les réfugiés à rentrer après avoir évalué le grave danger qu’encourent ces personnes dans leurs pays d’origine  ?

Aussi, l’ UNHCR a donné aux réfugiés statués qui ont accepté l’intégration locale une somme de 1 500 dinars (750 euros) : du fait du non suivi des projets, de leur abandon et d’une série de négligeances vis à vis du souhait de ces personnes à s’intégrer, nous avons fait le constat que beaucoup sont reparties en Libye pour rejoindre l’Italie en se servant de cet argent. Le montant de 1 500 dinars alloué à l’intégration locale correspond au prix de la traversée pour la Libye. Pour les personnes encore présentes, ces 1 500 dinars ne constituent une offre suffisante pour vivre, n’ayant pas le droit de travailler légalement. Poussant parfois les parents à faire travailler leurs enfants (mineurs) pour subvenir à leurs besoins.

À partir d’octobre 2012 pour les déboutés et à partir de juin 2013 pour les statutaires, le HCR a arreté de prendre en charge les personnes de Choucha: plus de nourriture et d’eau, plus d’acces au soin, plus de kits d’hygiène, nonobstant le fait que il y ait des cas vulnerables encore sur place, femmes et enfants et que ceux-ci sont la priorité des agences humanitaires.

Aujourd’hui, il reste moins de cent personnes ayant transitées par Choucha sur le sol tunisien. Il en est de la responsabilité de l’Europe (s’étant engagé dans le conflit Libyen) de reinstaller ces personnes qui ne trouvent pas d’espace pour reconstruire leurs vies en Tunisie. Considérant le nombre de personnes en rapport au nombre d’états qui constituent l’Union Européenne, cela fait moins de quatre réfugiés par état.

Réfugiés de Choucha

Apres trois ans et demi depuis l’ouverture du camp de Choucha, nous, les personnes ayant fuit la guerre en Libye et étant encore présentes en Tunisie, nous réclamons la reconnaissance de notre droit à la protection et d’un espace pour vivre dignement et dans la légalité. Ceux parmi nous qui ont étés reconnus comme refugiés par l’UNHCR et non réinstallés sont bloqués en Tunisie sans moyens pour reconstruire leur vie –vu que la Tunisie ne nous reconnait pas comme refugiés (lire témoignages). Le seul espace où nous pouvons revendiquer nos droits et rester, c’est pour certain la ville et des conditions de vies précaires sans aucune assistance,  aucun droit et pour d’autres le désert et Choucha où nous attendons une solution et avons encore l’espoir d’une réaction de l’état malgré les difficultés quotidiennes : survie à Choucha, mendicité au bord de la route et dans les épiceries pour avoir de quoi manger, ni eau, ni électricité, ni accès aux soins, il n’y a même plus de transport qui nous relient à la ville, nous sommes coupés du monde.En plus, il y a ceux parmi nous qui ont été rejetés comme refugiés et que l’UNHCR a produit comme « migrants irréguliers », nous vivons en Tunisie sans aucun droit et sans la possibilité de circuler, de travailler et d’avoir un espace où rester sans devoir vivre dans l’insécurité d’un lendemain.

Face à vos politiques qui  déterminent nos vies et nous limitent ou nous empêchent dans la possibilité d’avoir une place où nous pouvons vivre dignement et sans être considérés illégaux et indésirables, nous protestons et manifestons notre droit à reconstruire notre vie ici en Tunisie dans la légalité. Plus de 300 réfugiés de Choucha ont déjà rejoint la Libye en passant la frontière illégalement pour trouver du travail sur place et rejoindre l’Italie par la mer. Les femmes et les enfants ont tous déserté le camp par manque d’assistance, d’eau et de nourriture. Pour ceux qui restent, les difficultés d’intégration dans le pays sont bien présentes entres autres à cause du racisme. Trouver un logement décent et un travail sans se faire exploiter ne sont pas tâches faciles.

Témoignages des réfugiés de Choucha :

Témoignage de Zakaria, réfugié statué de la guerre libyenne ayant vécu à Choucha 2 années et demi, il sort à peine d’un mois et demi passé dans la prison de Wardia (Tunis) pour avoir tenté de partir en Europe :

Mon prénom est Zakaria, j’ai 31 ans, je suis Tchadien de N’Djamena, j’ai le statut de réfugié, je l’ai reçu ici à Choucha. J’ai eu des problèmes dans mon pays, alors j’ai quitté le Tchad, c’était en 2007. Je suis parti pour la Libye et j’ai travaillé comme chauffeur, il y avait beaucoup de travail, c’était bien pour moi avant la guerre. Tout le monde pouvait travailler, gagner de l’argent et après il y a eu des problèmes. Nous avons été oblige de quitter la Libye. Je suis arrivé en Tunisie le 3 mars 2011, il y avait beaucoup de réfugiés en ce temps là, les bureaux de l’UNHCR n’étaient pas encore ouverts à Choucha. Je suis venu, j’ai demandé l’asile politique et ils m’ont donné le statut de réfugié et l’UNHCR m’a embauché comme traducteur/interprête français/arabe, j’ai travaillé avec eux durant presque 2 ans.

J’ai aussi travaillé en tant qu’enseignant de français dans l’école à Choucha et comme responsable de bibliothèque. Je suis resté deux ans et demi à Choucha. Après ils m’ont proposé le programme d’intégration locale en m’affirmant qu’il n’y avait pas de reinstallation pour moi, j’ai dit “ok”, je suis venu pour trouver la protection et si je trouve la protection ici en Tunisie alors, j’accepte. Tout ce que je veux c’est la protection, je ne suis pas venu pour partir dans un pays précis, je suis venu pour demander au HCR la protection car j’ai des problèmes dans mon pays. Ils m’ont dit “ne t’inquiète pas pour ça, nous allons te protéger, la Tunisie est une démocratie”. Il m’ont donc parlé des projets qui favorisent l’intégration locale avec le droit de percevoir de l’argent, pour démarrer une activité professionelle. Je leur ai proposé un projet de restaurant/pizzeria à Medenine. J’ai commancé, j’ai fait les devis et il me fallait 20 000 dinars pour démarrer l’entreprise, ils ont lu le dossier pendant 4 mois, finallement le HCR m’a acheté du matériel d’occasion à hauteur de 5 000 dinars seulement.

Ils m’ont trouvé un local à Medenine et ont payé pour trois mois avec Islamic Relief (ONG). Après deux mois sans activité, j’ai commencé à travailler, seulement quelques jours, il n’y avait pas beaucoup de client. Je ne pouvais pas payer le loyer du local car l’activité n’était pas encore vraiment lancée, j’ai donc demandé au propriétaire et à l’Islamic Relief de me donner un mois pour les payer…ils ont refusé en me disant qu’ils m’avaient déjà aidé.

Des personnes du ministère sont aussi venues en me disant que je n’avais pas le droit de travailler car je n’avais pas l’autorisation signée par le ministère, j’ai dû fermer et j’ai commencé à me renseigner pour faire les papiers pour être en règle auprès du CAC (commissaire aux comptes). À ce moment là j’ai rencontré une tunisienne et nous nous sommes mariés ici à Ben Guerdane. Elle m’a accepté mais ses parents n’étaient pas d’accord et lui demandait pourquoi elle épousait un réfugié, un noir, un esclave, un “Wasif”…

Ma femme s’est opposée à l’avis de ses parents, elle n’est pas raciste. Nous avons fait le mariage et ils nous ont causé des problèmes à tel point que nous avons été obligé de quitter la ville, le HCR et Islamic relief nous ont aidé en voyant que c’était dangereux pour ma sécurité.

Ils nous ont trouvé une maison à Medenine mais j’ai dû payer la maison par moi-même, il me donnait seulement 120 dinars par mois et la maison coutait 300 dinars. Je partais chercher du travail journalier pour avoir de quoi vivre, plomberie, bâtiment, construction, manutention…

J’ai repris le restaurant mais le loyer était de 275 dinars par mois…maison+restaurant : 600 dinars. Je n’y arrivais pas et l’UNHCR ne m’aidait pas mis à part les 120 dinars, ils sont venus un jour pour faire la publicité avec d’autres personnes, des étrangers… Je leur ai servi d’exemple, “un réfugié, marié avec une tunisienne de surcroît !”

Comme le ministère du travail m’a demandé de faire les papiers pour travailler, je suis parti faire les papiers avec ma femme, nous avons payé le commissaire aux comptes…au bout d’un mois j’obtenais les autorisations de travailler. Mais le ministère m’a imposé la demande de carte de séjour, sans carte je ne pouvais pas travaillé. J’ai expliqué que je suis réfugié et que le HCR s’occupait de mon statut… le ministère m’a dit qu’ils n’ont rien signé avec le HCR en m’ont dit qu’ils savent qu’il y a des étrangers, des réfugiés qui travaillent et qu’un jour, ils feront une rafle pour les renvoyer chez eux car en Tunisie, ce sont eux qui donnent les autorisations pour travailler, pas le HCR.

“l’état tunisien vous considère comme des étrangers et non comme des réfugiés.”

J’ai obtenu la carte de séjour au bout de neuf mois mais entre temps le restaurant a fermé, l’intégration locale ne fonctionne pas.

J’ai eu des problèmes à Medenine, les parents de ma femme et ses cousins sont venus trois fois, m’ont attaqué, m’ont tabassé aussi et m’ont menacé en me disant qu’ils m’égorgeraient si je ne laissais pas leur fille.

J’ai appelé le staff du HCR, ils sont venus à Medenine au bureau d’Islamic Relief, je leur ai expliqué la situation de menace et des violences que j’avais subi. La personne du HCR m’a dit qu’il allait faire quelquechose rapidemment, il est parti, je l’ai appelé au bout d’une semaine et il ne répondait pas.

Devant moi, des personnes du HCR ont dit qu’eux mêmes n’étaient pas d’accord pour mon mariage avec une tunisienne : “quoi !? un esclave réfugié, marié avec une tunisienne ?” “l’esclave a de la chance de trouver une belle fille comme elle.” Venant d’un employé du HCR, ça m’a choqué.

Ma belle-famille m’a de nouveau attaqué, je suis allé à la police et des personnes du croissant rouge sont venues en disant que c’était des petits problèmes. Le croissant rouge a étouffé l’affaire.

Finallement, ils ont pris de force ma femme, elle est revenue chez ses parents. Je suis de nouveau allé à la police et l’officier m’a dit que vu que les parents ne sont pas d’accord, il n’y a rien à faire : “toi, tu ne connais pas bien la Tunisie, il faut que tu quittes la Tunisie, que tu laisses ta femme tranquille.”

J’ai appelé le bureau de HCR pour leur expliquer, personne me répondait.

Je n’ai plus le droit d’aller voir ma femme.

Il y a deux mois, j’ai donc décidé de partir clandestinement pour la Libye pour aller en Italie, je suis sûr qu’ils peuvent m’aider sur place, pour amener ma femme aussi.

J’ai fait Choucha-Zouara en passant la frontière clandestinement, ils m’ont pris 900 dollars pour traverser, pris mon téléphone aussi et toutes les bonnes choses qu’il y avait avec nous, ils avaient des armes, pas moyen de manifester. Ils nous ont fait embarquer sur une petite pirogue, 6 x 2m pour 67 personnes, c’éatit un Zodiac, nous étions vraiment serrés la dedans, il y avait des enfants aussi.

Je n’ai pas réussi à rejoindre l’Italie, le carburant du bateau n’était pas suffisant. Ils ne nous avaient pas donné assez d’essence. Le vent a commencé a soufflé, les vagues se sont levées, les personnes ont commencé à pleurer, nous étions perdus, à la dérive. Nous étions au niveau de Sfax, des travailleurs d’une raffinerie de Gaz nous ont secourus, 27 personnes ont refusé de monter avec les secours en disant qu’ils ont déjà trop souffert et qu’ils préfèrent mourir au lieu de rentrer de nouveau en Libye, ils étaient tous somaliens. Les secours suppliaient les gens en disant que le vent soufflait trop et que dans une heure le vent irait jusqu’à 170km/h, qu’ils allaient mourir.

Les personnes ont refusé “nous préférons mourir !”, elles ont disparu comme ça.

On nous a amené à Sfax, à la police, ils ont enregistré tous nos noms, ils ont contacté le HCR.

J’ai été amené en prison avec un autre jeune tchadien, dans la prison de Wardia, à Tunis. Les autres ont été libéré. J’ai fait un mois et demi en prison pour aucun motif et alors que je suis réfugié soi-disant sous la protection du HCR. J’ai montré mon papier de demandeur d’asile au chef de la prison et il m’a dit que cela ne fonctionnait pas ici en Tunisie : “tous tes papiers, tu peux les bouffer, ça ne vaut rien ici.”

Là-bas on tabasse les gens en prison, on t’arrête, les gardiens te tabassent pour rien, pour un regard. Chaque jour, j’essayais de comprendre pourquoi j’étais en prison. L’ OIM est venu au bout d’une semaine et deux personnes m’ont persuadé de retourner au Tchad, je leur ai expliqué que je suis réfugié et ils m’ont dit que si je le souhaite, je peux rentrer au Tchad mais qu’ils ne peuvent m’y forcer.Le staff du HCR est venu le lendemain et m’ont expliqué que je suis en prison car ils m’ont arrêté en mer. Je leur ai dit que je n’étais pas seul, que les autres sont libérés, pourquoi moi ?

Il m’ont dit que je serai libéré d’ici deux jours, “tu vas sortir.” Après plus d’un mois, je n’avais toujours pas de nouvelles du HCR.
Le chef de la prison m’a dit que c’est le HCR qui a demandé à ce qu’on me laisse en prison. Un jour, un camrounais enfermé dans la cellule voisine, a tenté de se suicider en se coupant les veines, il était enfermé depuis plus d’un an. Suite à cet événement, les services de l’immigration sont venus, ils m’ont posé des questions, m’ont demandé mon identité, le lendemain ils sont revenus en me disant de sortir, que je n’avais rien à faire là et que ma carte de séjour était prête.

Ils m’ont amené au bureau et m’ont donné ma carte. “Excuse-nous, ils ont fait une erreur.”
Dès que je suis sorti, je suis venu ici à Ben Guerdane, j’ai croisé des personnes du HCR et ils m’ont demandé comment j’avais fait pour m’évader de la prison.
C’était il y a deux semaines, et depuis je n’ai pas de nouvelles, je crois qu’ils ont honte de me voir.
Pour moi, c’est difficile de rester ici, il n’y a pas de protection, je n’ai pas envie de retourner en prison, j’ai déjà été torturé au Tchad, je pensais obtenir la protection en joignant le HCR mais c’est tout le contraire. Depuis que je suis arrivé en Tunisie, je ne vois que des problèmes, aucune protection.

J’ai donc décidé de repartir pour la Libye, d’ici quelques jours, trouver du travail et retenter la traversée. Je sais qu’il y a des problèmes sur place mais je n’ai pas le choix, je me sens bien à quitter la Tunisie, après tous ces efforts pour m’intégrer ici et pour quel résultat ? Ici avec le statut, tu n’as pas de protection, on te met en prison, tu sors, les personnes t’insultent, “esclave”, ils ont pris ma femme, je n’ai aucun moyen de la retrouver. Je l’ai appelé et je lui ai dit que je suis obligé de repartir pour la Libye.

Je ferai tout mon possible pour aller en Europe et je la ferai venir. Je prends le bateau encore parce que c’est dur, j’ai tellement souffert ici.

(Samuel Gratacap, photographe, Ben Guerdane, juillet 2014)

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