Quelle parade de l’Algérie face à la mafia des frontières qui menace la stabilité économique et sécuritaire du pays
Par Lila Ghali
Les frontières de l’Algérie constituent une vraie plaie saignante de l’économie algérienne. Les mafias locales, mues par des opportunités de gains considérables, soumettent ainsi le marché national à une ponction systématique qui touche quasiment tous les produits dont les prix sont soutenus par l’Etat.
A l’ouest c’est le carburant qui se déverse au Maroc par centaines de milliers de litres annuellement. Un tiers du parc routier marocain roule grâce au trafic des « Hallabas » qui assèchent les stations de carburants en utilisant des vieilles voitures à double réservoirs.
Ce commerce est tellement florissant que des propriétaires de petites unités industrielles à Tlemcen, spécialisées dans la fabrication de la chaussure, le textile ont pris, la décision de mettre la clé sous la porte. Certainement pas pour chômer, mais pour se convertir dans la fabrication des jerricans. Des moules ont été importés de Chine pour fabriquer le jerrican devenu un produit hautement stratégique à Tlemcen. Pourquoi le Jerrican ? C’est le moyen qui permet de transférer à dos d’âne, le carburant de l’autre côté de la frontière. Et c’est un aller simple. En échange, l’Algérie reçoit des quantités impressionnantes de drogue, en partie consommée localement, en partie destinée au marché européen.
A l’est, la situation n’est pas moins préjudiciable pour l’économie nationale, surtout avec la situation de chaos qui règne en Libye. La gamme des produits qui passent en Tunisie et en Libye est extrêmes variée. Il y a du carburant, mais pas autant que le « quota » marocain. Pour le reste, en revanche, cela va du bétail, notamment à l’approche de l’Aid El Kébir, la volaille, des produits alimentaires comme la semoule, la farine, les dattes, la poudre de lait, le sucre, le café les légumes secs et la liste n’est pas exhaustive.
Même constat au sud du pays devenu, par la force de ce trafic, le fournisseur patenté des marchés du nord Mali et nord Niger, les médicaments en sus. Ce phénomène dure depuis plusieurs années, au cours desquelles des fortunes colossales se sont constituées des deux côté de la frontière. Au détriment de l’Algérie. Sauf les choses ont pris aujourd’hui une proportion telle qu’elles représentent une menace sérieuse pour la stabilité du pays. Autant sur le plan économique que sécuritaire, comme l’avait souligné dernièrement Dahou Ould Kablia, lors de sa visite à Ain Defla, en compagnie du ministre du commerce.
Face à cette saignée le gouvernement Sellal, après une réunion avec plusieurs responsables directement concernés, a pris un train de mesure. Particulièrement par le renforcement des escadrons des groupes des gardes frontières (GGF) de la gendarmerie nationale. Pourtant, les spécialistes restent très dubitatifs sur l’efficacité de ces mesures, ceux qui tirent les ficelles de ce commerce florissant ayant une capacité d’adaptation qui leur permettront de reprendre rapidement la main.
“C’est vouloir tuer un âne avec des figues molles”, commente un responsable de la gendarmerie pour qui l’option sécuritaire, c’est-à-dire l’envoi des gendarmes et des douaniers, n’est pas la solution eu égard à la longueur des frontières de l’Algérie avec ses voisins.
Et c’est quoi alors la solution, sachant que la situation actuelle ne peut se poursuivre, au risque de créer des tensions à l’intérieur du pays. Des cadres au ministère du commerce, des finances proposent une solution en aval.A savoir le retour à la réalité des prix. Autrement dit, la suppression du soutien pour tous ces produits qui alimentent ce trafic. Evidemment, une telle mesure, foncièrement impopulaire, a un cout politique qu’aucun gouvernement ne peut assumer, à plus forte raison quand une échéance électorale comme la présidentielle pointe à l’horizon.
Mais pour les spécialistes, c’est la seule solution, “quitte à accorder des compensations financières pour les populations à faible revenus, visées par la politique de soutien des prix”.