Circulation des biens et pas des personnes : L’Europe barricade ses frontières
Écrit par Madjd Laribi
L’Europe se barricade, se fortifie, se ferme de plus en plus sur elle-même. Elle laisse passer, circuler librement les capitaux, mais elle bloque tous ceux qui cherchent une vie décente, qui fuient les horreurs de la guerre. Pourtant, le premier article des droits de l’Homme est le droit à la vie ! Le dernier exemple édifiant qui montre la fermeture de l’Europe sur elle-même est le mur que la Bulgarie est en train d’ériger sur ses frontières avec la Turquie. Sur un tracé de 30 kilomètres et avec une hauteur de 3 mètres, le rempart bulgare sera, dès son achèvement dans quelques mois, le plus long mur construit en Europe pour freiner l’immigration. Le premier a été dressé, en 1998 au Maroc, dans les enclaves espagnoles Ceuta et Melilla. Il est haut de 6 mètres.
Il y a eu par la suite le mur qui sépare la Grèce de la Turquie, achevé en 2012 et long de 12,5 kilomètres. A l’époque, le ministre grec de la Protection des citoyens, Christos Papoutsis, avait voulu la construction d’un mur le long d’une partie des 206 kilomètres de frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie, dans le but de lutter contre le flux des migrations irrégulières. L’Union européenne ne semble pas s’inquiéter de cette atteinte portée à l’homme, au contraire, elle s’en accommode. « En général, on préfère détruire les barrières qui séparent les gens. Pour qu’un projet de ce type voit le jour, il faut être en mesure de bien le justifier », prévient-on à la représentation de l’UE à Sofia, tout en précisant que « ce sont les Bulgares qui sont les plus à même d’évaluer leurs besoins ».
L’édification du mur par la Grèce avait été soutenue par Arno Klarsfeld, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), pour empêcher les migrants et demandeurs d’asile de pénétrer dans l’espace européen. Il avait déclaré l’année dernière que la « construction d’un mur entre la Grèce et la Turquie n’a rien de fasciste !».
Le recours aux murs a déjà été dénoncé par Amnesty International (AI) qui considère cette démarche comme une «fausse solution dangereuse». Pour AI, ce dispositif risque d’empêcher l’accès au territoire de la Grèce pour des personnes à la recherche de protection parce que fuyant des persécutions.
Dans ce cas, ce serait une violation du principe de non-refoulement, garanti par la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le recours à la construction des murs vient renforcer une législation déjà existante en Europe.
En 2008 à Bruxelles, le Parlement européen avait adopté la proposition française en validant «le pacte européen de l’immigration » par les ministres de la Justice et de l’Intérieur européens, Brice Hortefeux en tête, ministre de Sarkozy. Les associations des droits de l’Homme avaient qualifié à l’époque le traité européen de « directive de la honte ».
Avec le pacte sur l’immigration, l’Europe s’est engagée dans la voie de l’isolationnisme en matière d’immigration. Le traité avait prévu aussi d’harmoniser le traitement des demandes d’asile au niveau européen. Depuis 2010, tous les immigrés sont soumis à la même directive drastique pour décrocher un titre de séjour, alors qu’auparavant, certains bénéficiaient d’un traitement plus ou moins « humain » en fonction de la législation du pays d’accueil. Un réfugié est soumis actuellement aux règles érigées par son pays d’accueil. Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue française des droits de l’Homme, avait déclaré que le pacte européen sur l’immigration correspond «à une politique malthusienne pétrie de réactions xénophobes dans une Europe vieillissante».
Selon les chercheurs en matière d’immigration, l’Europe fait semblant d’ignorer qu’elle aura besoin de 40 millions d’immigrants au cours des quatre prochaines décennies. C’est ainsi que l’Europe, de plus en plus raciste et islamophobe, tourne le dos à toutes ses valeurs, à l’humanisme des lumières et s’inscrit à contre-courant d’un avenir économique qui, pourtant, aura besoin d’une forte immigration pour son développement.
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