La chasse aux immigrés africains dérape : Deux morts et 561 arrestations en Arabie Saoudite

par Salem Ferdi

La police saoudienne mène une campagne dure contre les travailleurs «illégaux» qui n’ont pas de «parrain». Samedi, elle a assiégé un quartier où vivent de nombreux Africains et notamment Ethiopiens. La situation a dérapé dans la violence. Il ne fait pas bon, en général, d’être un «étranger» en Arabie Saoudite où il faut avoir un «kafil» (un parrain, personne saoudienne chez laquelle un étranger doit s’enregistrer), pour faire quoi que ce soit et notamment travailler. C’est encore pire quand on est un travailleur «illégal» corvéable à merci et désormais pourchassé, dans le cadre d’une campagne officielle de chasse aux travailleurs étrangers. Ces travailleurs deviennent des «illégaux» quand ils quittent leurs «parrains» saoudiens – de véritables esclavagistes qui monnayent leurs services aux employeurs – avant ou à la fin de leur permis de travail et qui restent sur place. Ils sont des centaines de milliers dans ce cas. Un ultimatum leur avait été fixé pour le 3 novembre dernier pour se faire régulariser. Officiellement, c’est pour résoudre le problème du chômage des Saoudiens qui dépasse les 12% que la chasse aux «illégaux» a été lancée. Sauf qu’il est très improbable de trouver de nombreux Saoudiens prêts à assumer les travaux effectués par les étrangers. Les responsables saoudiens ont, ainsi, sommé les travailleurs concernés soit de retrouver un «parrain» – et donc se remettre en situation d’esclave -, soit de quitter le pays.

CHASSE A L’AFRICAIN A MANFOUHA

La campagne, à fort relent xénophobe, est devenue, brutale, depuis la fin de l’ultimatum. On estime à huit millions le nombre des travailleurs immigrés et seule la moitié d’entre eux a pu régulariser sa situation, durant les six mois, avant la fin de l’ultimatum et le début d’une chasse aux «illégaux». S’ils sont appréhendés, ils sont passibles d’une peine de 2 ans de prison et d’une amende équivalente à 2.000 euros. Plus de 900.000 étrangers, en situation irrégulière, ont quitté le royaume, depuis le début de l’année. Ces derniers jours la chasse aux «illégaux» est devenue plus intense et nombre d’entre eux se cachent pour échapper à l’embastillement ou aux amendes.

Une situation qui affecte de nombreux secteurs d’activités qui se retrouvent en panne de main-d’œuvre. Samedi, la campagne «anti-immigrés» a dérapé dans la violence après l’encerclement, par les services de sécurité, du quartier défavorisé de Manfouha, dans le sud de Ryad où se concentrent des travailleurs étrangers d’origine africaine, principalement des Ethiopiens. Ces derniers auraient refusé d’obtempérer aux opérations de contrôle menées par les forces de sécurité saoudienne. Des accrochages ont eu lieu où des Saoudiens «civils» ont participé, avec les services de sécurité, à la chasse «à l’Africain». Les policiers ont tiré des balles en l’air pour faire disperser les travailleurs éthiopiens qui manifestaient à Manfouha. La veille des affrontements qui ont eu lieu samedi, la police avait encerclé le quartier dans le cadre de la traque ouverte contre les «illégaux».

2 morts, 561 «instigateurs» arrêtés

La police saoudienne qui a indiqué dans un communiqué «avoir repris le contrôle» de la situation dans le quartier a fait état de 2 morts dont un Saoudien et de 68 blessés dont 28 Saoudiens. Le porte-parole de la police a accusé les immigrés éthiopiens d’avoir tenté de se «barricader» et d’avoir lancé des pierres contre les «citoyens et les résidents en les menaçant d’armes blanches». La police affirme qu’un grand nombre de commerces et voitures ont été endommagés. Mais les arrestations sont massives. 561 personnes qualifiées «d’instigatrices de troubles» ont été embarquées par la police. Le gouvernement éthiopien a réagi aux nouvelles de la mort d’un Ethiopien, en annonçant, hier, qu’il avait décidé de rapatrier ses ressortissants, en situation illégale en Arabie Saoudite, après des informations sur la mort d’un Ethiopien, tué par la police saoudienne.

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