Das Internetportal „Nawaat“ veröffentlicht eine Kritik an der zu erwartenden Technokratenregierung in Tunesien und der zunehmend staatsfixierten Linken. Die Technokratenregierung wird sich programmatisch an den neoliberalen IWF-Zielen und an der gewünschten Rückkehr der Ben-Ali-Fachkader ausrichten. Wie ist es möglich, dass linke tunesische Parteien ein solches Projekt unterstützen? In dem Text wird die Begründung in der Geschichte der nordafrikanischen Linken gesucht, die in den Zeiten des Kolonialismus als Anhängsel der staatsfixierten französischen Linken entstand.
http://nawaat.org/portail/2013/09/28/revolution-du-bardo-ou-nouveau-traite-du-bardo/
Révolution du Bardo ou nouveau traité du Bardo ?
Par Bader Lejmi
A propos du soutien du Front de Gauche aux “démocrates” du Bardo
Pour rappel, l’ANC (Assemblée Nationale Constituante) qui siège au Bardo à Tunis est la seule institution fruit des acquis de la révolution tunisienne. Elle est également la seule instance représentative du peuple Tunisien dans son ensemble. Appeler à sa dissolution revient, de facto, à balayer d’un revers de main non seulement la souveraineté populaire mais aussi et surtout à supprimer le seul lieu de délibération politique libre, pluraliste et rationnel en Tunisie. La mobilisation dite du Bardo ne s’arrête pas là. Elle appelle également à remplacer le gouvernement nommé par les élus du peuple par un gouvernement de technocrates expérimentés dit de “Salut National”. Or le terme de “compétences” en Tunisie ne désigne rien de plus que les haut fonctionnaires de l’ancien régime ou pire, des instances néo-libérales internationales telle la Banque Mondiale ou le FMI. N’est-ce pas cette même dictacture de la techocratie que dénonce pourtant la gauche radicale en Europe ? Sans compter que cette mobilisation est soutenue et financée par des hommes d’affaires véreux de l’ancien régime. Leur stratégie ? Arriver à une minorité de blocage en obtenant la démission d’1/3 des députés. Or le nombre de députés démissionnaires ne représentent pas meme 30% des élus de l’ANC et sont soit des partisans du retour de l’ancien régime soit alliés avec ce dernier au sein du “Front du Salut National”. Ce dernier est fondé sur le modèle du Front du meme nom en Egypte qui a récemment organisé le putsch et la dictature militaire du général Al Sissi. Ces memes méthodes fascistes se retrouvent en Tunisie. Ainsi une députée a meme été menacée dans son intégrité physique pour avoir désobéi à la consigne de son parti de se retirer de l’ANC. D’autres ont été débauchés pour rallier le mouvement contre rémunération sonnante et trébuchante. Certes ce mouvement se fonde également sur une critique légitime du bilan des députés tunisiens toute tendances confondues. Mais cette défiance vire à l’anti-parlementarisme quand il ne s’agit pas de nostalgie de l’ancien régime. En celà elle est assimilable en France à l’anti-parlementarisme des populismes du Général Boulanger ou de Poujade.
Une fois ce portrait dressé, comment des militants et élus de la principale force de gauche radicale en France peuvent-ils soutenir un tel mouvement ?
La Discrimination c’est l’Egalité
Cette trahison des généreux principes humanistes par le Front de Gauche, dont il se fait le parangon, n’est-elle un accident de parcours ? Durant le protectorat, cette gauche-là jetait déjà l’anathème de fascisme sur le mouvement national tunisien, pourtant moderniste et réformiste. Leur plus grand reproche aux nationalistes fut de tenir à l’identité islamique de la Tunisie au lieu d’oeuvrer pour une Tunisie laique [1]. Comble de l’ironie, la gauche du pays colonisateur, se permettait de faire la leçon anti-impérialiste aux nationalistes, leur reprochant leur alliance tactique avec les USA contre l’occupant français. Déjà à l’époque. Meme l’UGTT de Farhat Hached, désormais couverte d’éloge, était vilipendé comme un suppot de l’impérialisme étatsunien du fait de son adhésion à l’organisation internationale syndicale anti-communiste CISL. Ne trouvait grace aux yeux de la gauche française que le PCT, ancêtre du Massar. Ce parti s’opposait à la lutte pour l’indépendance nationale l’accusant d’etre une revendication petite-bourgeoise, divisant le prolétariat et freinant la révolution mondiale [2]. Malgré les admonestations de Lénine et de la IIème Internationale, les enjoignant de faire front avec les nationalistes, rien n’y fit [3]. Rappelons que le PCF avait voté en faveur des pouvoirs spéciaux de l’armée en Algérie ouvrant la voie aux pires pratiques notamment la torture et les crimes de masses [4]. Plus de 70 ans plus tard, cette gauche franco-centré n’a pas évolué d’un iota sur ses positions. Le Front de Gauche n’est rien de plus que l’héritier d’une bien trop longue et sordide histoire de trahison de ses propres principes [5]. Diabolisation de toute référence à l’islam en politique, surenchère anti-impérialiste et soutien aveugle aux éradicateurs meme tortionnaires…
L’Exclusion c’est la Fraternité
Si la trahison des principes universels a été possible, c’est qu’à contrario des déclarations grandiloquentes, il ne s’agit rien de plus une réaction identitaire. Il s’agit de soutenir les “Notres” parmi les Arabes en terre d’Islam. Pour preuve, le cas Syrien. Qu’est-ce qui explique que le Front de Gauche ignore le principe de souveraineté nationale en Tunisie alors qu’il s’oppose à toute ingérence occidentale dans le cas de la Syrie ? Le Front de Gauche s’ingère dans les affaires tunisiennes en prenant parti pour un camp sans que la majorité du peuple ne l’ait invité. Il manifeste contre une ingérence Occidentale en Syrie et en soutien aux forces démocratiques et sociales. Paradoxal quand on sait que ces mêmes forces attendent depuis maintenant près de 2 ans un soutien du FG, qui a brillé par son absence de toutes les mobilisations de soutien à la lutte du peuple Syrien pour sa libération de la dictature. Dans le même temps, pour le cas de la Tunisie, il a apporté son soutien à toute mobilisation s’opposant au gouvernement et à la majorité parlementaire. En réalité, le Front de Gauche s’oppose à l’ingérence envers un peuple arabe ou musulman uniquement quand ce dernier fait le bon choix, celui de la gauche laïque. Pourtant la résistance Syrienne comme la majorité parlementaire Tunisienne intègrent toutes deux des forces de la gauche démocratique laique. Mais elles intègrent également des forces de l’islamisme et c’est là, aux yeux du FG, leur crime capital. En Tunisie le Front Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL) et le Congrès Pour la République (CPR) tous deux de la gauche démocratique Tunisienne forment une alliance le parti islamiste de la Renaissance (Nahdha). De même en Syrie, les forces révolutionnaires de gauche ont fait alliance avec les Frères Musulmans. La gauche française aura beau jeu de saluer la révolution Tunisienne et de la transition démocratique, elle rejette ce qui l’a rendu possible : le refus de l’exclusion de toute tendance politique luttant contre la dictature. Elle se refuse toujours à reconnaître la victoire des islamistes aux éléctions du 22 octobre 2011, premières élections transparentes de l’histoire de la Tunisie. Ainsi le Front de Gauche perpétue la logique réactionnaire du “tout sauf les islamistes”, qui a permis à la dictature de Ben Ali de se maintenir pendant 20 ans. Sans compter que cette logique éclipse totalement la question sociale. Le Front de Gauche reste bien silencieux sur la passivité si ce n’est la complicité des forces de gauche tunisiennes à l’égard du capitalisme néo-libéral représenté par le FMI. Il l’est d’autant plus que derrière sa posture oppositionnelle en France, il est en réalité un allié du gouvernement de gauche néo-libérale au pouvoir en France. L’internationalisme dont se targue la gauche française est aux antipodes d’un universalisme des principes. Ce n’est rien de plus qu’une fraternité identitaire avec toutes les gauches arabes qui ont fait le “bon choix”, c’est à dire comme eux le choix de la laicité meme au prix de la dictature la plus barbare.
La Dictature c’est la Liberté
Le Front de Gauche est composé de 2 familles historiques de la gauche française : les communistes via le Parti Communiste Français (PCF) et socialiste via Mélenchon et son Parti de Gauche (PS). Ces derniers représentent plus précisément l’antique tendance étatiste et nationaliste du Parti Socialiste. Si nous avons vu que ces forces politiques ont pu faire le jeu de la dictature et de ses dérives totalitaires en Tunisie, nous passons trop souvent sous silence que ce ne fut en rien différent en Occident. N’est-ce pas la tendance étatiste de la gauche républicaine qui a participé à l’éradication souvent sanglante de cultures minoritaires tels que les Chouans, Basques ou encore les Corses ? A tel point que pour revendiquer leur droit à l’existence, ces derniers en sont encore aujourd’hui au stade de la lutte armée. La France est encore aujourd’hui le seul pays d’Europe à ne pas reconnaitre de minorité nationale toujours bien entendu au nom de l’universalisme (L’idéologie républicaine, Béatrice Durant). Les communistes ne sont pas en reste. Les nombreuses purges internes, l’usage de la violence, et la diffamation de ses dissidents furent le lot commun du PCF. Le “centralisme démocratique” dont se revendiquait le PCF n’est que le versant interne au Parti de la dictature totalitaire des “démocraties populaires” pratiquées dans le bloc soviétique. Le PCF est en effet un parti stalinien qui non seulement resta silencieux sur la répression de l’Etat gaulliste sur le mouvement de révolte estudiantin, immigré et ouvrier de mai 1968 mais qui n’hésita pas également à saluer la répression sovétique lors du printemps de Prague en 1968 et meme à faire campagne pour l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Ainsi c’est cette meme gauche-là qui nous inventent des expressions comprenant le mot “démocratie” dans le but explicite de nous faire passer des vessies dictatoriales pour des lanternes démocratiques. Aux heures de gloire de l’Empire Soviétique, ce fut “démocratie populaire” ou “centralisme démocratique”. Dans notre Tunisie contemporaine, nous en concluons que des expressions tel que “démocrates progressistes” ou “démocrates pour les libertés” sont des éléments de langage d’une novlangue désignant en réalité les plus retors ennemis de la liberté et de la démocratie. C’est à travers cette novlangue qu’il faut comprendre le soutien des “démocrates” du Front de Gauche aux Tunisiens s’auto-proclamant “démocrates”. Rien dans les pratiques du Front de Gauche ou dans son histoire ne nous permet de croire un seul instant qu’ils ont des leçons de démocratie à nous donner. Les Tunisiens qui s’imaginent que le soutien de cette gauche-là vaut gage d’appartenance au camp démocrate ne sont ainsi que des victimes d’une profonde aliénation post-coloniale [6].
La Dictature c’est la Liberté. La Discrimination c’est l’Egalité. L’Exclusion c’est la Fraternité.
Georges Orwell dans son roman 1984 décrivait une société totalitaire où toutes les valeurs avaient l’application précisément opposée à leur signification réelle. N’est-ce pas au fond le sort subi par les principes universels de Liberté, d’Egalité et de Fraternité au sein du Front de Gauche lorsqu’il s’agit de la Tunisie et des pays post-colonisés arabes et/ou musulmans en général ?
Notes
1- Bechir Tlili, La fédération socialiste de Tunisie (SFIO) et les questions islamiques (1919-1925) in Mouvement ouvrier, communismes et nationalismes dans le monde Arabe, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57192451
2- Hassine Raouf Hamza, Le Parti communiste tunisien et la question nationale (1943-1946) in Mouvement ouvrier, communismes et nationalismes dans le monde Arabe, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57192451
3- http://www.vacarme.org/article143.html
4- http://www.vp-partisan.org/article518.html
6- Frantz Fanon, Les intellectuels et les démocrates français devant la révolution algérienne in http://classiques.uqac.ca/classiques/fanon_franz/pour_une_revolution_africaine/pour_une_revolution_africaine.html