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Le ton monte entre l’armée malienne et les rebelles Touareg
L’accord de Ouagadougou en péril
L’accord intérimaire, signé à Ouagadougou, entre l’Etat malien et les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et du Haut-Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), le 18 juin dernier, risque à tout moment de voler en éclats. Et pour cause ?
Les rebelles touareg du MNLA accusent l’armée malienne d’avoir manqué à ses engagements en attaquant, mercredi, leurs positions à Léré, dans le nord-ouest du Mali, près de la frontière mauritanienne. Le MNLA et le HCUA regrettent également : «A ce jour, et malgré les garanties internationales qui ont accompagné la signature de l’accord-cadre de Ouagadougou, la partie gouvernementale malienne n’a honoré aucun de ses engagements (les personnes détenues au cours du conflit n’ont pas été libérées) et continue ses inacceptables exactions contre les populations civiles de l’Azawad.» Visiblement las de rester les bras croisés, les responsables du MNLA et du HCUA affirment qu’ils riposteront si les agressions perdurent.
Dans la capitale malienne, des responsables de l’armée tentent de désamorcer la crise. Ils expliquent que des patrouilles de sécurisation ont été lancées depuis quelques jours face à la recrudescence de vols de bétail et autres actes de banditisme. Le but de ces patrouilles, dit-on, n’était pas d’attaquer les rebelles touareg, mais plutôt de combattre le crime.
Selon toujours l’armée, c’est une des patrouilles de sécurisation qui est tombée mercredi sur «des bandits» vers Léré, conduisant à l’accrochage. Bilan : trois blessés légers parmi les militaires, trois «bandits» tués, selon le lieutenant-colonel Diarran Koné, du ministère de la Défense. Une dizaine de ces hommes ont aussi été arrêtés, d’après le lieutenant-colonel Souleymane Maïga, porte-parole de l’armée malienne. Cette version des faits est cependant contestée par le MNLA qui a accusé l’armée de l’avoir directement pris pour cible. «Nous avions demandé aux combattants qui ont des armes de poing de se regrouper pour un cantonnement. L’armée en a profité pour les attaquer et, selon nos informations, d’autres attaques se préparent», a déploré, au lendemain de l’incident, Mahamadou Djeri Maïga, vice-président du MNLA.
Pour Mahamadou Djeri Maïga, les incidents de Léré et la violation par le Mali du cessez-le-feu font peser une menace sur l’accord de Ouagadougou. «Nous, nous sommes dans la logique de cet accord. Nous ne voulons pas nous lancer dans un conflit parce que nous voulons respecter notre parole. (…) Si les attaques se poursuivent, nous prendrons tous les risques sur les positions de l’armée», a néanmoins prévenu M. Djeri Maïga. Obtenu après d’âpres négociations, l’accord signé dans la capitale burkinabè a jusque-là permis un arrêt des hostilités, la tenue de la présidentielle sur l’ensemble du territoire malien, le cantonnement à Kidal (nord-est) des hommes du MNLA et l’arrivée, début juillet, de soldats maliens, puis de l’administration dans cette ville dont le MNLA a pris le contrôle en février 2013.
Risque de retour à la case départ
De leur côté, les chefs du commandement pour la zone ouest du MNLA-HCUA, dont les éléments auraient été ciblés, se sont empressés de «prendre à témoin la communauté nationale et internationale contre ces graves violations des dispositions de l’accord préliminaire signé à Ouagadougou (…)». «Nous appelons la communauté internationale à prendre les dispositions urgentes allant dans le sens de préserver les acquis du processus de règlement pacifique en cours. Dans le cas échéant, nous nous verrons dans l’obligation de passer à des actions offensives afin d’arrêter les comportements de nature terroristes de l’armée malienne contre nos populations à l’intérieur de l’Azawad», ont averti les deux groupes touareg. Le MNLA et HCUA ont dénoncé, en outre, «l’arrestation arbitraire» entre les 6 et 12 septembre, par l’armée malienne, de 21 civils dans deux campements respectivement situés dans les zones de Niafunké, du Méma et de Hombori.
Selon la même source, «ces civils sont faussement accusés de détention d’armes ou d’être des partisans du MNLA».
Le premier groupe de 11 personnes serait déjà acheminé à Bamako, les 9 autres seraient aussi détenues au camp militaire malien de Nampala (région de Ségou). Dans un nouveau communiqué adressé hier à la presse signé, le MNLA s’est dit attendre, pour l’heure, «des nouvelles autorités maliennes qu’elles donnent les signes clairs et positifs d’une réelle volonté d’engager des négociations concrètes sur le statut juridique et politique de l’Azawad, au minimum dans les délais prévus par l’accord- cadre de Ouagadougou. Faute de quoi, le MNLA n’aura d’autre choix que de prendre ses responsabilités et de défendre par tous les moyens les intérêts supérieurs du peuple de l’Azawad». Bref, tout le monde aura compris que si rien n’est fait au cours des prochains jours pour calmer les esprits et éviter d’autres dérapages, le nord du Mali risque à tout moment un retour à la case départ.
Zine Cherfaoui